Les années 1970, le féminisme, la liberté, et l’amour charnel de deux jeunes femmes. Corsini met face à face deux comédiennes aussi épanouies qu’épatantes, Izïa Higelin et Cécile de France.
Ce film est une ode, un chant d’amour aux années qui ont changé les femmes. Ici, structurellement, politiquement et sentimentalement, tout est mouvement. Premier mouvement : Delphine, fille de paysans et fière de l’être, entend bien vivre sa vie dans la ferme de ses parents, mais elle se cache pour voir son amoureuse, et lorsque celle-ci part à la ville, quelque chose se rompt. Deuxième mouvement : celui, baptisé MLF, pour la Libération de la Femme, qui, éclos avec mai 68, dure et perdure en 1971. Delphine, montée à Paris, rencontre des militantes en pleine action dans la rue (elles mettent la main aux fesses des hommes, pour leur faire ressentir un peu ce que ça fait !) et s’électrise en entendant l’une d’elles, Carole, affirmer : « On n’est pas contre les hommes, on est POUR les femmes ». Troisième mouvement : alors que Delphine est retournée travailler aux champs à cause de la maladie de son père, Carole dépérit sans son amante et quitte son compagnon pour la rejoindre. Elles vivent alors leur passion à l’insu de la mère de Delphine, femme généreuse qui a passé sa vie à travailler. Du corps terrien de Delphine sur son tracteur aux courbes graciles de Delphine alanguie sur un lit ; des mains qui tendent des tracts et des bouches qui énoncent des principes aux mains qui caressent et aux bouches qui embrassent ; des gestes des féministes jetant du mou de veau sur un médecin anti-avortement aux élans irrépressibles qui poussent Carole et Delphine dans les bras l’une de l’autre : la vitalité de la mise en scène est communicative. L’image, solaire et lumineuse, accompagne une double révolution pleine d’allégresse, celle, générale, des femmes qui se battent pour exister autrement et celle, intime, de Delphine et Carole.
Le féminisme est ici restitué dans son époque au quotidien : les années 1970 ne sont pas que grosses fleurs orange et violettes, bandeaux dans les cheveux et chemises cintrées. Loin du décorum, ce qui se joue ici, c’est le combat pour une cause juste, qui ne va pas sans insolence ni démesure et dont les traces et conséquences sont toujours à l’œuvre aujourd’hui, quarante-cinq ans plus tard… Au-delà de Carole, incarnée par une, Cécile De France, sensuelle et magnifique, et de Delphine, que la force charnelle de Izïa Higelin rend si vraie, il y a tous les personnages secondaires, dépassés, mais jamais caricaturaux. Les hommes, Kevin Azaïs, fermier amoureux de Delphine depuis l’enfance et qui découvre qu’elle ne l’aimera jamais et Benjamin Bellecour, le compagnon de Carole qui l’aime comme elle est, affranchie et délurée, et soudain ne la comprend plus, lorsqu’il la voit souffrir par amour, aliénée, alors qu’elle était libre. Et puis il y a la mère de Delphine : Noémie Lvovsky est une fois de plus épatante en femme d’un autre temps et d’un autre âge, qui voit Carole comme le Diable entré dans sa maison… Limpide et évident, le récit perd quelque peu en force dans sa résolution, trop volontariste. Mais La Belle Saison est, après La Nouvelle Ève (1999), l’œuvre la plus dense et la plus joyeuse de Catherine Corsini, qui saisit un moment clé de son histoire et de la nôtre.