Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines)
En piochant dans les écrits de Georges Devereux, anthropologue et psychanalyste qui détailla, dans un ouvrage publié en 1951, l’analyse menée auprès d’un Indien Blackfoot, Arnaud Desplechin trouve matière et prétexte à son premier film américain. Soit Jimmy Picard, un ancien soldat blessé à la tête, victime de maux de tête et de troubles de la vision. Admis à l’hôpital militaire de Topeka, l’équipe médicale pense à des troubles schizophréniques, avant que Devereux ne contredise le diagnostic et se lance dans une série d’entretiens avec lui.
Desplechin filme une trajectoire comme il l’avait déjà fait dans La Sentinelle ou Esther Kahn. Jimmy, séance après séance, fouille dans son histoire pour reprendre le cours de sa vie comme Esther tentait, répétition après répétition, de devenir comédienne. En déplaçant ses questionnements outre-Atlantique, le cinéaste livre un face-à-face réussi entre Amalric (le médecin) et Del Toro (l’Indien), deux hommes en marge, survivants de génocides incarnant la grandeur et les gouffres de l’Amérique. Jimmy P. convoque toutes les obsessions du cinéaste : la complexité des liens affectifs et familiaux, ceux forts et éphémères d’une amitié de passage, la domination féminine, la maladie, la peur de devenir fou et les faux-semblants. Un film tragique et drôle. Léché et bavard. Un film qui piétine aussi et tourne en rond. C’est là tout son charme : coller à son sujet, celui d’une psychanalyse tâtonnante.
Par Mélanie Carpentier