Ilo Ilo
Singapour, 1997. Jiale, gamin turbulent de dix ans, voit arriver chez lui Terri, une nounou en provenance d’un village des Philippines, qui donne son titre au film. D’abord agressif, il finit par s’attacher à cette jeune femme douce et malicieuse. Au-delà d’un postulat ultra classique, ce premier long-métrage, Caméra d’Or au Festival de Cannes 2013, est une bien jolie surprise. Une fois les personnages posés – l’enfant-roi qui ne pense qu’à lui et son Tamagotchi, le père soumis n’osant avouer qu’il a perdu son travail, la mère enceinte et autoritaire travaillant comme secrétaire du personnel dans une entreprise licenciant à tour de bras, la nounou ayant laissé son propre enfant au pays pour un salaire supérieur -, le récit se développe en détails microscopiques qui peu à peu dessinent un univers d’une précision rare. Le racisme, la lutte des classes sont suggérés discrètement, et la crise économique fait chape de plomb sur tous les rapports humains. Surtout, le regard porté sur les personnages, jamais univoque, rappelle le « chacun a ses raisons » cher à Renoir. Le scénario est émaillé d’idées délicates et inventives : les poussins offerts en cadeau à Jiale, le professeur qui accepte de ne pas prévenir les parents de la énième incartade du gamin contre une martingale gagnante établie par ce dernier, l’intervention de Terri chez la proviseure… Cette chronique filmée frontalement et simplement gagne en force à chaque scène et désamorce les pièges de la fable sur la rédemption pour atteindre à l’universel.