De sa naissance en Grèce en 1933 à son dernier projet de film en date, une adaptation du livre de l’économiste Yanis Vanoufakis, Conversation entre adultes ; de son arrivée en France avec une troupe de danseurs grecs à sa période d’assistanat avec Claude Pinoteau, Jean Giono, Jacques Demy ou Henri Verneuil ; de son premier long-métrage au casting ébouriffant, Compartiment tueurs, à ses fonctions de président de la Cinémathèque Française, Costa-Gavras se raconte et nous raconte. Toute une vie. En toute pudeur, mais avec force détails et anecdotes, il narre ses rencontres impressionnantes dans le monde du cinéma (Simone Signoret, Yves Montand, Chris Marker…) et de la politique (Salvador Allende, Abdelaziz Bouteflika), il mêle ses projets cinématographiques et ses amitiés fortes, sa vie familiale (son épouse, la journaliste et productrice Michèle Ray-Gavras, ses enfants, dont Romain et Julie, eux-mêmes cinéastes) et ses idées sur le monde.
Comme un roman, mais avec des passages vrais qui font sourire (la réaction d’un studio américain au souhait d’adapter La Condition humaine d’André Malraux) ou font monter les larmes aux yeux (l’adieu à Signoret qui, de son lit d’hôpital, lui lance comme à son habitude : « On ne se perd pas de vue, hein !? »), Va où il est impossible d’aller captive et enchante.
On sent bien que ces cinq cent et quelques pages auraient pu être mille, tant le vécu de cet homme-là est dense et passionnant. On aimerait passer plus de temps avec le jeune étudiant de l’IDHEC, en savoir davantage sur sa rencontre avec Capra ou Ford, partager par le menu les secrets de chaque tournage de ses films et les détails de leur gestation… Mais déjà, sur l’auteur de Z, L’Aveu, Missing, Le Couperet, Amen, Le Capital, ces mémoires d’un honnête homme et d’un grand réalisateur en disent long sans que l’on voie le temps passer.