For Those in Peril
Les petits villages côtiers d’Écosse, gorgés de tragédies maritimes et de catholicisme rance, peuvent offrir d’intenses perspectives au cinéma. Parfois. La preuve avec For Those in Peril, premier long-métrage de Paul Wright, qui fit frissonner le public de la Semaine de la critique, en mai dernier à Cannes. Balayé par les vents, les rumeurs et les légendes, son récit – vibrant – s’articule autour du jeune Aaron (George Mackay, impeccable). Seul rescapé d’un naufrage, cet adolescent fragile se débat avec le fantôme d’un frère aîné (mort en mer) et les reproches toujours plus circonspects de sa communauté. Ici plus qu’ailleurs, il n’est jamais bon d’être un marginal. Encore moins un survivant. Aaron flotte. Entre deux eaux, entre deux mondes : le présent et les souvenirs, l’innocence et la culpabilité, le réel et la folie. Tandis que Paul Wright, lui, surprend, passant sans ambages de l’univers de Ken Loach à celui de Terrence Malick… De fait, pour accompagner le parcours brisé d’Aaron (prénom biblique s’il en est), le réalisateur ose une mise en scène chahutée, plus sensorielle que narrative, qui combine différentes qualités d’images, avec nombre de petits films familiaux en inserts comme autant de projections mentales. Où se niche la vérité dans ce dédale perturbé, flirtant avec le fantastique ? Paul Wright ne tranche pas. Mais en choisissant d’engloutir, in fine, son récit dans une fable, archaïque et poignante, ce jeune cinéaste écossais témoigne d’une foi très forte en l’imaginaire.
Par Ariane Allard