Floride

Il a voulu arrêter le cinéma comme il avait arrêté le théâtre. Il a voulu arrêter plusieurs fois. Jean Rochefort a 85 ans. Ce n’est pas son désir qui file, mais sa mémoire qui s’effile. Il ne veut pas être le vieil homme qui fait peur, dans son coin, les mains qui tremblent. Mais le voilà qui joue le vieil homme qui fait le méchant, la tête qui flanche, dans Floride de Philippe Le Guay, adaptation d’une pièce à succès de Florian Zeller. Il est vieux, Rochefort, et il joue un vieux, atrabilaire, féroce, capricieux, qui réclame qu’on le laisse seul, avec sa vie et ses souvenirs. Il joue la mémoire enfuie, la confusion, la perte et les oublis. Il joue la maladie d’Alzheimer et sa démence symptomatique, l’instabilité des émotions, l’irascibilité, la tristesse, l’égarement. Face à lui, Sandrine Kiberlain, dans le rôle sensible de la fille, mal-aimée mais debout face à l’impossible rudesse et cruauté paternelle. Rochefort/Kiberlain, c’est l’évidence de leur liberté et de leur fantaisie croisées. Et si Le Guay les réunit, ce n’est pas pour un drame. Floride n’est pas un film malade sur Alzheimer, mais une comédie sur le fil, à la force fragile, dont on ne sait déterminer la part de réel et de rêve. Si ce film dans son monde est son dernier, Rochefort aura été habité.