Les femmes de Visegrad
Artiste australienne, Kim, plutôt que d’aller aux îles Fidji choisit de passer ses vacances d’été 2011 en Bosnie-Herzégovine. Elle se balade, sac au dos, à Sarajevo, se prend en photo sur fond de paysage idyllique et dort (mal) quelques nuits dans le «Spa-Resort» recommandé par son guide touristique, situé à 5 km du village de Visegrad. De retour chez elle, elle découvre sur Internet que l’hôtel de ses insomnies, le Vilina Vlas, a été le théâtre de viols et de tortures en 1992 : 1757 personnes dont 200 femmes y ont été assassinées. Elle repart sur place en hiver, avec un regard neuf et la volonté d’entrer en communication avec les habitants, avec l’homme qui a écrit le guide : elle veut comprendre pourquoi il n’y a aucun monument, aucune plaque, rien pour rendre compte de l’horreur… «Ceux qui sont vivants préfèrent oublier, ceux qui sont morts ne peuvent plus rien raconter», lui dit un fonctionnaire, fataliste. On est un temps troublé par le dispositif – l’actrice principale porte son propre nom -, la chronologie chahutée et la tentation du journal intime bricolé désarçonne. Documentaire ? Fiction ? Plutôt la deuxième catégorie, mais avec un rapport tellement viscéral au réel, qu’on s’y perd. Le film est né de l’expérience vécue par Kym Vercoe. Et Jasmila Zbanic (Sarajevo mon amour, Le Choix de Luna) en tire une œuvre vibrante et essentielle qui, sans être exempte de défauts, s’affiche comme un film citoyen. Elle fait sourdre les cris étouffés des murs d’une bâtisse et résonner le silence assourdissant des vivants.