L’Escale
« Nous avons tous peur », dit l’un d’eux. Ils s’appellent Rassoul, Farshad, Hamid, Mohsen et vivent ensemble à Athènes dans l’appartement exigu d’Amir, leur compatriote installé là depuis trois ans. Ils ont quitté l’Iran en espérant rejoindre l’Amérique, un passeur indélicat les a lâchés en Grèce. Coincés, sans papiers, illégaux et indésirables, ils attendent qu’une opportunité s’offre à eux, sous la forme d’un passeport dont la photographie leur permettrait de se rendre dans un pays occidental moins atteint par la crise, où ils pourront travailler et vivre. En avant- propos, le réalisateur, Suisse d’origine iranienne, nous présente Mohsen, son cousin. Sur le générique, quelques mots nous informent qu’il y a trois ans, quand ces images ont été prises, Mohsen n’avait pas encore décidé d’abandonner et de retourner en Iran. Qu’à cette époque, il était encore vivant. Ce documentaire est donc la chronique d’une mort annoncée, et un regard sans fard sur la dure vie des migrants. Au fil des jours et des semaines, certains parviennent à « passer », les autres se réjouissent en espérant que leur tour aussi viendra. L’un d’eux entame une grève de la faim et se coud les lèvres. Du quotidien parfois drôle à la terrible incertitude qui les use peu à peu, de l’entraide bienvenue au désespoir noir, Kaveh Bakhtiari enregistre une réalité dont la presse et les journaux télévisés ne donnent jamais à voir qu’une partie. Il livre une œuvre essentielle, que chacun d’entre nous, citoyens et politiques, devrait voir pour en méditer la leçon.