Eat Sleep Die
Ouvrière en usine, elle vit seule avec son père que des douleurs dans le dos empêchent de travailler. Soudain licenciée, elle cherche à s’en sortir coûte que coûte… Il y a du Rosetta dans cette Rasa, et la caméra la suit d’ailleurs de dos, tandis qu’elle déambule d’un pas ferme. Cousine assumée de la belge héroïne des frères Dardenne, Rasa a pourtant ses propres racines, sa réalité. La réalisatrice, qui signe ici son premier film, n’assène, ni ne montre rien, elle accompagne et révèle, au détour d’un plan, d’une phrase, ce qu’est profondément cette grande ado bourrue. Masculine, bagarreuse, elle est le fruit de l’éducation paternelle (on ne sait ce qu’il est advenu de la mère). Originaire du Montenegro, elle parle le suédois, contrairement à son géniteur ; leur statut d’immigrés ne pose guère problème. Mais lorsque ce dernier traite un Noir d’étranger, Rasa s’en offusque ; et quand un collègue critique les musulmans, elle réplique que « ça ne se dit pas », que son père et elle le sont. Droite et courageuse, Rasa ne cède ni au racisme, ni à la bassesse. Seulement aux (pieux) mensonges. Eat Sleep Die est le portrait délicat et nourri d’une incroyable battante dans un monde qui fait tout pour vous abattre.