Pour son cinquième long-métrage, Dominik Moll revient à un univers façon Harry, un ami qui vous veut du bien, en moins noir et plus déjanté. Une drôle de comédie, grinçante et hilarante, sur la folie des hommes… Et du monde.
« La gentillesse, écrivait Alexandre Vialatte, c’est le courage qui sourit ». Il ajoutait : « Et il y a parfois du mérite. » Philippe Mars est un gentil pathologique : son ex-femme lui amène les enfants, alors que ce n’est pas sa semaine ; son patron, bien que le sachant débordé, lui ajoute du boulot et lui adjoint un collègue ingérable (trimballant un hachoir à viande dans son attaché-case, tout de même) ; un passant refuse de ramasser l’étron de son chien et l’oblige à s’acquitter de cette tâche qui ne lui revient pas… En apparence impassible, Philippe Mars accepte depuis trop longtemps l’inacceptable : il fête sans joie et dans l’indifférence générale l’anniversaire de ses 49 ans au début du film, il est à moment symbolique de sa vie.
S’ouvrant sur Philippe en cosmonaute flottant dans l’espace (rêverie récurrente), le film revient sur terre pour constater, à travers le regard de celui-ci, la folie de ce monde. Folie ordinaire et presque banale, assortie de névroses moins courantes aux conséquences potentiellement dramatiques ! Coécrit par Gilles Marchand, collaborateur de Laurent Cantet et Valérie Donzelli, le film retrouve une partie de la veine exploitée par Moll et Marchand dans le très réussi Harry, un ami qui vous veut du bien. On retrouve le thème de l’intrus qui s’invite dans votre vie et au sein de votre famille. Mais la noirceur absolue du film précédent laisse place ici à une loufoquerie continuelle, à travers les personnages environnant (encerclant ?) Philippe, les situations entre absurde et cruauté.
De François Damiens et Vincent Macaigne aux jeunes Tom Rivoire et Jeanne Guitter (les enfants de Philippe), en passant par Léa Drucker (ex-épouse et grand reporter très occupée), Michel Aumont et Catherine Samie (ses parents morts qui réapparaissent soudain) ou Philippe Laudenbach en voisin giscardien, les acteurs incarnent avec nuances et entrain ce chaos absolu, le rendent visible et audible. Risible aussi, heureusement ! À une ou deux facilités près, il y a dans la rapidité avec laquelle la mise en scène donne la mesure de l’envahissement continuel de l’espace de Philippe par tous, dans la drôlerie et le tempo des dialogues, quelque chose qui fait de ce film extraterrestre une lecture aussi barrée que juste de notre époque et de nos vies.