Une station offshore qui brûle et s’effondre, 780 millions de litres de pétrole répondu dans l’océan : l’explosion du Deepwater Horizon, faute humaine ou catastrophe inéluctable ?
Selon l’affiche que l’on regarde, Deepwater se présente sous différents angles. Sur le poster diffusé dans les salles de cinéma, c’est un film qui s’inspire d’« une incroyable histoire vraie ». Sur les pubs affichées aux arrêts du bus et sur les panneaux JCDécaux, c’est « le film catastrophe de l’année ». Différents publics, différents genres ? En tout cas, un film catastrophe inspiré d’une histoire vraie, ce n’est pas commun.
Pourtant, le film est bien la fonctionnalisation d’une des plus importantes catastrophe industrielle et écologique de la décennie. L’explosion de la plateforme pétrolière BP « Deepwater Horizon » au large du Golfe du Mexique, le 20 avril 2010. Onze morts et un bilan écologique sans précédent de la Louisiane à la Floride.
La marée noire et toutes les conséquences de cette catastrophe sont absentes du film de Peter Berg. Les pélicans mazoutés, le bayou souillé, les pêcheurs incapables de retrouver un seul poisson vivant, tout ça, on l’a déjà vu dans les JT, à la télévision. Ce qui nous manquait, c’était l’histoire humaine qu’il y a avait derrière ça. C’est là qu’Hollywood intervient.
Et pour ce faire, les scénaristes de Deepwater avaient là un matériau en or : un long article du New York Times nous expliquant que le drame aurait pu être évité si les cadres de BP avaient écouté Mike Williams, un technicien de maintenance ayant observé que l’installation présentait de sérieux problèmes de sécurité. De cet évènement, qui a peut-être son importance, mais sur lequel il est difficile de dresser de grandes conclusions, Summit Entertainement et Participant Media tirent un long-métrage, transformant Mike Williams en bon père de famille et héros américain à ses heures perdues (joué par Mark Wahlberg), et donnant à John Malkovich le rôle d’un cadre de BP avec des millions de dollars pour seules valeurs. Les gentils, les méchants. Le stéréotype est toujours aussi efficace, surtout quand il s’agit de rendre cinématographique des évènements réels.
Alors oui, Deepwater ressemble à de nombreux films à grand spectacle « adaptés d’une histoire vraie ». Mais répond-il à nos attentes en tant que film catastrophe ? Là, c’est plus compliqué.
Il y a toujours eu, dans le film catastrophe, une certaine fascination pour la destruction. Quel est l’intérêt du Jour d’Après, sinon de voir New York enseveli sous la neige et la glace ? Pourquoi voir Twister, si ce n’est pour observer des tornades en action ? Ça, on peut se le permettre, l’avouant à demi-mot quand il s’agit de catastrophes de fiction. Être fasciné par un cataclysme qui a eu lieu en réalité, impliquant des blessés et des morts, c’est un cas de conscience. Mais plus encore que l’évènement lui-même, c’est la manière dont il se prépare et ce qu’il provoque qui fascine dans le film catastrophe. A quoi bon détruire, s’il ne reste rien ? On se souvient que dans 2012, en détruisant absolument tout, Roland Emmerich a rendu absolument vain le plaisir de la destruction, provoquant l’ennui chez le spectateur.
Mais en s’empêchant de montrer les conséquences de la catastrophe, et en restant sobre sur sa mise en scène de l’évènement, Deepwater évite intelligemment les dangers du genre. La fascination pour le désastre sur ce sujet a déjà été suffisamment alimentée par les chaînes de télévision, il aurait été malheureux d’en rajouter.
Et finalement, du genre du film catastrophe, Deepwater ne garde que le meilleur : les signes annonciateurs d’un cataclysme imminent. Certains sont très concrets, factuels : des équipements abimés, des tests pas franchement rassurants. D’autres sont presque de l’ordre du surnaturel : les ordinateurs qui plantent, un hélicoptère qui manque de se crasher. Comme si une force suprahumaine, une sorte de Poltergeist, menaçait la station et ses habitants. Ainsi, alors que pourtant l’histoire de l’évènement semble nous dire que la catastrophe aurait pu être évitée, que la faute est humaine, le film, tout en restant absolument fidèle à cette histoire, semble nous indiquer le contraire. La catastrophe, elle était déjà là, avant même que l’évènement ne survienne. La catastrophe, c’est ce puit, le plus profond jamais creusé en offshore, s’enfonçant dans les entrailles de la Terre. L’évènement n’en est que la conséquence inéluctable. De ce fait, Deepwater s’inscrit pleinement dans la lignée du cinéma catastrophe, en réutilisant un thème cher au genre : la vengeance de la nature exploitée à l’excès. Bien sûr, la métaphore est facile, et le sujet assez opportuniste. Mais le film ne se contente pas d’accuser l’humanité au sens large, ou une autre entité déconnectée de toute réalité. Au contraire, Peter Berg accuse clairement et explicitement la société BP d’une exploitation excessive des ressources pétrolières. Une prise de parti pas très risquée, quand on sait que la société a été condamné suite à la catastrophe, mais néanmoins surprenante pour un film spectaculaire visant un public large. Ainsi, avec son ambition de film catastrophe grand public, le film a au moins pour mérite de marquer et de rappeler avec efficacité cet évènement tragique et hélas, bien réel.