Voyage en Chine
Filmer le deuil, la douleur d’une mère. Piège à cœur d’artichaut, à voyeurisme et à exhibitionnisme émotionnel. Chemin semé d’embûches. Zoltán Mayer le sait. Il réussit à le contourner tout en ne niant pas l’affect. Ce premier long-métrage est né de sa découverte de la Chine, d’un voyage qu’il y a effectué avec sa mère, et de son désir de film avec Yolande Moreau. Une combinaison qui débouche sur une œuvre inspirée. La rencontre d’un corps étranger avec un pays, une culture, une spiritualité, un autre monde. L’histoire d’une révolution intérieure. Celle d’une mère imparfaite, qui a laissé la distance s’installer entre son fils et elle, parti vivre carrément à l’Est. Quand il périt dans un accident, elle se décide à rejoindre la terre où il a vécu et où il est mort. En laissant mari et quotidien derrière. Avec le regard bleu, doux et perçant de son interprète, Liliane s’immerge dans la région luxuriante et habitée du Sichuan. À la recherche du vécu de celui à qui elle a donné la vie. En quête d’elle-même, qui a perdu l’envie. Subtile idée de guider la mère vers les amis du défunt par le son d’une chanson de Brel, au détour des rues. Avec son sens du cadre et de l’économie de moyens, le cinéaste photographe dessine une cartographie pudique du déchirement et de la réconciliation. Yolande Moreau est grande. Burlesque, décalée, solide et légère à la fois, elle marche, écrit, cuisine, lumineuse, face à la sublime et bouleversante Qu Jing Jing.