Qui vive
Chérif est vigile aux portes d’un supermarché. Il subit les remarques de son chef, les agressions d’une bande de gamins des cités, demande aux clients indélicats de lui montrer leur sac. De cette banlieue où il a grandi et où il vit toujours, chez ses parents, il voudrait s’échapper. En obtenant (enfin) ce diplôme d’infirmier dont il a passé le concours à plusieurs reprises, en se rapprochant d’une jolie institutrice, Jenny (Adèle Exarchopoulos, délicieuse)… Mais quand les options et l’énergie s’amenuisent, il arrive qu’on fasse le mauvais choix… Chronique de la violence ordinaire, Qui vive détaille le quotidien banal et l’horizon bouché d’un jeune homme en galère dans un monde en perdition. Avec minutie et justesse, le trajet mental du personnage est évoqué au cours de scènes courtes (l’oral du concours d’infirmier devant un panel d’examinateurs intraitables, les jeunes agressifs fondant sur Chérif comme un essaim d’abeilles) dont l’aspect documentaire fait la force et la justesse. Si ce premier long-métrage cède, dans sa deuxième moitié, à certains passages obligés, il s’en dégage une authenticité indéniable. Il faut dire que Chérif est incarné par Reda Kateb. Son corps engoncé dans son costume de vigile, son visage passant de l’angoisse au bonheur, de l’espoir à la résignation, tout son être est tendu vers le personnage, lui conférant complexité et vérité. Il irradie littéralement le film.