Un homme hirsute, mi-russe, mi-tchétchène, débarque à Hambourg, haut lieu de préparation des attentats du 11 septembre, il y a plus de 10 ans. Instantanément, les yeux de tout ce que la ville compte comme services d’espionnage se tournent vers lui. Vraie victime ou futur terroriste ? Bienvenue dans le monde moderne, revu et corrigé à l’aune de la paranoïa du romancier John Le Carré et du style d’Anton Corbijn (The American). Si l’espionnage lui sert de cadre premier, Un homme très recherché serait pourtant davantage à classer du côté du film noir. Du vrai. À l’ancienne. Avec anti-héros dissimulant ses hantises derrière des litres de whiskey, intrigue labyrinthique passionnante, ambivalence morale constante jusqu’à un dernier plan d’une amertume hallucinante, ombres et lumières poisseuses, ville sale, froide et dangereuse… Mais à l’ancienne aussi, car au travers du bouleversant personnage de Gunther Bachman (Philip Seymour Hoffman, sa voix cassée par la cigarette, son corps ployant sous l’effort), ce que réussit Un homme très recherché, c’est à observer le déclin d’un monde, d’une façon de faire. D’une époque où les filatures à pied avaient plus de poids de que les explosions, où les déductions et jeux de pouvoir plus que les effets spéciaux. D’un temps où les démonstrations de force n’avaient pas forcément raison des ruses. D’un moment encore où le cinéma n’était pas un piédestal érigé aux egos de ses créateurs. La violence qui se dégage de ce film n’a alors rien d’artificiel ou de gratuite. Car c’est bien celle de la mélancolie foudroyante qu’il distille qui nous saisit à la gorge.