La terre éphémère
Au gré des saisons, lorsque l’eau du fleuve Inguri se retire, des bandes de terre fertile apparaissent dans ce no man’s land qui est la frontière naturelle entre la Géorgie et l’Abkhazie. Un vieil homme et sa petite fille y viennent en barque quotidiennement, aménagent l’endroit, y bâtissent une cabane de fortune et y sèment du maïs. Le temps passe, des soldats sur la berge les hèlent, des patrouilles de gardes-frontières en barque viennent troubler ponctuellement les travaux et les jours. Le printemps, puis l’été. Les tiges vertes poussent et donnent l’illusion d’une barrière protectrice. La gamine s’épanouit et grandit imperceptiblement sous la lumière bienveillante, au contact d’un fuyard blessé venu se cacher là. Deuxième long-métrage du réalisateur de L’Autre Rive (2010), La Terre éphémère est un long poème envoûtant, une splendide métaphore des cycles implacables de la vie, de sa beauté, de sa fragilité. Ni la lenteur, ni le silence ne sont des obstacles à la magie incantatoire dégagée par cet objet de cinéma unique et singulier. Bientôt, cet îlot, ce havre provisoire de paix et de prospérité, sera de nouveau englouti par des trombes d’eau. Avant qu’un autre être vienne prendre possession de cette fugace et modeste offrande du fleuve.