La prochaine fois je viserai le cœur
Le cinéma s’est souvent intéressé aux liens souterrains unissant flics et voyous. Avec l’affaire du « tueur de l’Oise », Cédric Anger s’empare d’un sujet qui donne le vertige. Puisque, dans cette histoire vraie qui secoua la France en 1978-79, le meurtrier est d’autant plus insaisissable qu’il est chargé d’enquêter sur ses propres crimes. C’est donc le parcours d’un être double qui nous est donné à voir dès la première scène où Franck, en blouson sombre, agresse une jeune fille, rentre chez lui, puis en ressort le lendemain matin en uniforme de gendarme. Le scénariste et réalisateur s’inspire du livre d’Yvan Stefanovitch, journaliste qui a suivi de très près l’enquête et rencontré Alain Lamare, dont Franck est le double à l’écran. Se gardant bien d’expliquer l’inexplicable, il raconte les faits, et certains d’entre eux (la visite de Franck à l’hôpital, demandant à sa victime de lui décrire son agresseur ; une fausse poursuite en voiture …) sont totalement incroyables. S’autorisant seulement quelques adaptations du côté du personnage féminin, le film fait le portrait clinique d’un homme incompréhensible, auquel Guillaume Canet apporte opacité et fébrilité. Revisitant la France des seventies dans une reconstitution discrète et réussie, fort d’une image bleutée donnant aux visages une pâleur fantomatique, La Prochaine Fois je viserai le cœur (phrase authentique tirée d’une de ses lettres anonymes) est aussi troublant que passionnant.