Révélation à Cannes en mai dernier, et portrait de femme emballant, Nahid suit une jeune divorcée dans le dédale de la société iranienne. Un film direct, volontaire et amoureux. Porté par une actrice incandescente et une réalisatrice prometteuse.
Excellente nouvelle. Les femmes filment de plus en plus en Iran, et accèdent à la scène internationale. D’autant plus fort quand les sujets et les mises en scène éclatent. On connaissait Samira et Hana Makhmalbaf, ou Niki Karimi. Après Negar Azarbayjani et son Une femme iranienne et Sepideh Farsi et son Red Rose en 2015, en voici une autre, qui tire son épingle du jeu : Ida Panahandeh. Avec un premier long-métrage qui assure et captive. Un portrait d’une humanité qui avance. Romanesque dans son souffle, réaliste dans sa description, politique dans son témoignage. La chronique d’une femme contrainte aux lois et coutumes d’un monde machiste. Le labyrinthe asphyxiant d’un être qui se cogne aux diktats par amour.
Comment faire quand on est une divorcée, dont l’ex-mari a bien voulu laisser la garde du fils, à condition de ne pas se remarier ? La loi iranienne donne tous les droits à l’homme. Or Nahid est amoureuse et aimée d’un autre, qui, lui aussi, a la garde de sa fille. Scénario où les enjeux sont autant de fils qui se resserrent sur sa protagoniste, comme dans nombre de fictions d’Iran, dont les héros sont souvent des pions en quête de sortie de secours. Il y a du suspense dans ses cent cinq minutes. Grâce à une ingénieuse construction narrative, qui place l’héroïne en vecteur de toutes les tensions, et en révélateur des contradictions des autres, de la cité, de la société, du pays, et d’un monde usant de la femme comme d’un être à disposition.
Sareh Bayat incarne cette rebelle avec une détermination magnétique. De la pugnacité à la résignation, de la déception à l’effusion. Toujours debout, en chemin, à sortir, discuter, réclamer son dû, taper aux portes, trouver de l’argent ou une solution, même provisoire. Le film fait corps avec son personnage et son actrice, tout comme il accueille deux figures d’homme : l’ex-mari, ex-camé, loser, rancunier, mais toujours amoureux, et le futur mari espéré, bienveillant, patient, lucide. Pour les jouer, deux visages charismatiques et deux acteurs justes : Pejman Bazeghi et Navid Mohammad Zadeh.
La cinéaste excelle à créer de l’intensité et du romanesque, sans céder à la complaisance ni à l’ennui. Sans tomber dans l’unique plaidoyer sociétal. Car la richesse de son écriture est doublée d’un puissant travail de réalisation, de mise en espace et de regard sur Nahid, tout comme les hommes la regardent sur la plage, via les caméras de surveillance de Masoud. Une cinéaste est née, sous les yeux du monde entier. Gageons que son cinéma saura s’épanouir, fidèle à cette ligne de force.