Marie Heurtin
Réalisateur rigoureux dans ses choix de sujets, Jean-Pierre Améris, depuis Le Bateau de mariage, n’a cessé de s’exprimer de façon toujours indirecte. Affirmant humblement ne pas être un créateur, il a cependant toujours traité, via des faits divers ou des romans, de thèmes qui lui sont chers, dont le droit à la différence. Ainsi s’est-il régulièrement intéressé à des êtres marginalisés, entre autres par des rencontres dangereuses (Mauvaises Fréquentations), la maladie (C’est la vie) ou une timidité excessive (Les Émotifs anonymes). Améris ne pouvait donc que se passionner pour le cas d’Helen Keller, fillette américaine, devenue sourde et aveugle en 1882, qui, après de violents affrontements avec son éducatrice, finit par apprendre le langage des signes et devint par la suite un écrivain à succès. Ne pouvant reprendre ce récit, protégé par des copyrights très élevés, le cinéaste en trouva toutefois un équivalent français dans l’histoire de Marie Heurtin. Celle d’une jeune paysanne, née sourde et aveugle en 1885, qui, confiée par ses parents à l’institut Larnay, près de Poitiers, connut une même éducation salvatrice, grâce à l’obstination d’une religieuse. Le film, réalisé avec une sobriété proche de celles de Truffaut et Bresson et magistralement interprété, se révèle un véritable acte d’amour envers son personnage principal, allant jusqu’à démontrer que ses handicaps lui offrent l’avantage de mieux faire corps avec son environnement naturel et humain. Plus touchant que Miracle en Alabama et L’Enfant sauvage confondus.