Le Caravage
Au petit matin, aux pieds de remparts austères, il arrive de voir un centaure effectuer des pas de danse, des voltes, et des courses folles, sur une piste sablonneuse, aux motifs de jardin zen. L’homme et la bête réunis en un corps, dans la même quête du geste parfait. Le cavalier conduit l’animal géant du bout des rênes, comme on manœuvre un cerf-volant : avec délicatesse, en sachant aussi bien guider que se laisser guider. Dans ce rêve de fusion, Bartabas communique avec son destrier, Le Caravage, à la robe aussi ocre que les tableaux du maître milanais, dans un dialogue organique et sauvage, par petits bruits de bouche, caquètements, sifflements, pincements. Le tout sous l’œil patient d’un témoin au nom prédestiné.
Tout à son entreprise d’épure, Alain Cavalier opère dans ce tout petit film (à peine plus d’une heure), un double retour aux sources. Aux premiers temps du cinéma tout d’abord, tant les cavalcades hypnotiques du Caravage réveillent le souvenir des expérimentations sur le mouvement de pionniers tels qu’Eadweard Muybridge ou Étienne Jules Marey. Et à son geste de filmeur, en continuant de manier sa caméra DV avec une aisance toujours plus affirmée malgré la pauvreté du support, partageant de la sorte une ascèse créatrice des plus fascinantes avec le moine-écuyer d’Aubervilliers.