Reine de l’immersion et du défrichage en terre (in)connue, Claire Simon n’en finit pas de filmer la fiction dans le documentaire, et le documentaire dans la fiction. Le titre de son nouveau voyage annonce la couleur. C’est un appel à l’imaginaire. En visitant le Bois de Vincennes pendant deux heures et demie, après des mois de balades et des heures de rushes, elle dessine une cartographie du monde. Où chaque être cherche ce qu’il n’a pas. Fantasme, accomplissement, argent, apaisement, réconciliation, calme, luxuriance, exultation, communion, espace, plaisir. De la forêt urbaine comme de l’Éden. Du bois comme du paradis près de chez vous. Plus de classes sociales, plus d’apparat. C’est la nature qui habille, et tout le monde s’y glisse, pour une heure ou un an. La cinéaste converse avec ses personnages. Un art subtil de l’échange comme entrée dans chacun de leurs territoires. Comme si Alice nous donnait la main pour pénétrer son univers. Derrière les troncs et les feuillages, la surprise saisit. Tordante. Bouleversante. Décapante. Le choc des mondes incompatibles a lieu. De tragédies ressurgies des exilés cambodgiens, au manège d’un voyeur exhibitionniste. De la visite de l’espace de travail d’une prostituée, aux réflexions d’un ermite en quête de son intériorité. De la chorégraphie d’un préposé aux pigeons, aux circonvolutions sportives de cyclistes. Sur les traces de Baudelaire, cité en exergue, et de Deleuze, qui professa dans ce Bois.