Jamais de la vie
Franck, 52 ans, est gardien de nuit dans un supermarché de banlieue, ancien ouvrier spécialisé et délégué syndical, il a abandonné la lutte dans l’absolu, mais ne se résigne pas à laisser faire. Lorsque des voitures rôdent autour du magasin et qu’un de ses collègues est gravement blessé, il décide d’agir, « parce qu’il faut qu’il se passe des choses ». Pierre Jolivet, après Fred et Ma petite entreprise, continue à donner la parole aux petits, aux obscurs, aux sans grade. Il le fait avec une précision d’écriture et une générosité de regard qui n’est pas si courante dans le cinéma français. L’absence de tissu social et de solidarité, le chômage endémique, le combat quotidien des laissés-pour-compte, régissent et contaminent la fiction.
Les seconds rôles sont tous très développés et bien campés par des comédiens investis. Marc Zinga incarne avec beaucoup de nuances le jeune Ketu, dont on découvre l’histoire au détour du drame qui le frappe. Et Valérie Bonneton est une fonctionnaire de Pôle Emploi à l’humanité non feinte : « Vous en connaissez, vous, des vies où c’est facile tous les jours ? », demande-t-elle à Franck. « Pas par ici, non », répond-t-il. Franck, c’est Olivier Gourmet, sa justesse immédiate, sa puissance et son inventivité de tous les instants. Comme il fut le père magouilleur de La Promesse, le menuisier du Fils, l’hilarant producteur Richebé de Laissez passer, l’amoureux de la « grande distribution » de Terre battue, il EST Franck, son passé de syndicaliste, son futur sans avenir, sa rage domptée mais toujours intacte.