Peu coutumière des bluettes – Regarde la mer et Sitcom (actrice), Sous le sable (scénariste), chez François Ozon, ou le radical Dans ma peau (réalisatrice) – Marina de Van revisite avec brio la grammaire du fantastique avec Dark Touch, film intense et sombre sur l’enfance et la résilience.
Dès son générique, Dark Touch affiche la promesse d’une déchirante partition écrite en mode mineur. En quelques plans extrêmement soignés, le prologue donne le la, triste et dissonant, d’un inconfortable drame surnaturel filmé à hauteur d’enfant.
Niham, incarnée par la jeune et talentueuse Missy Keating, a 10 ans quand sa maison, théâtre discret d’une douleur muette, s’anime dangereusement. Les objets du quotidien deviennent des armes létales, empalant et mutilant avec une brutalité insensée. Seule rescapée du massacre de sa famille, la jeune fille est recueillie par des amis de ses parents. Mais les événements étranges ne cesseront pas pour autant.
Obsédée par les maux de l’âme et les déchirures familiales, prolongeant l’argument, déjà entamé, que l’environnement social dans lequel on grandit peut causer de graves dommages, Marina de Van se mesure pour la première fois au cinéma fantastique.
On pense aux Révoltés de l’an 2000. A Carrie aussi, évidemment, quand la gamine débarque couverte de sang parce qu’elle vient de se mordre la langue. Plus récemment à Dorothy d’Agnès Merlet, pour l’esthétique ténébreuse et monochrome. Mais il s’agit là davantage d’hommages ou de contexte de production que de véritables comparaisons.
Car Marina de Van impose dans chacun de ses plans, une tension poisseuse – comme cette scène de renversement des rôles où les enfants donnent le bain aux adultes. Sa mise en scène glaciale scrute les visages, sonde les silences, écoute les chuchotements. Interroge les souvenirs qui reviennent souvent diffus, toujours violents, et plonge dans la psyché abîmée de Niham. C’est dans la grisaille et les larmes de son regard intense et magnifique que toute l’horreur de son histoire explose. Tour à tour effrayée et bouleversée, elle est à la fois fragile petit être brisé et redoutable maîtresse de la douleur emportant tout dans sa fureur.
Et Marina de Van tient son cap jusqu’au bout, multiplie les sévices, glace les sangs et les os pour livrer un film dérangeant qui pénètre par effraction les zones d’ombre de la nature humaine. Un conte immoral dans lequel elle affirme que la résilience est une chimère.
Par Mélanie Carpentier