Boyhood
Pendant douze ans, Richard Linklater a filmé les mêmes acteurs, Ellar Coltrane, Patricia Arquette, Ethan Hawke (fidèle complice de huit films) et sa propre fille, Lorelei Linklater. Le but ? Suivre l’évolution de personnages via celle, réelle, des interprètes et le temps qui passe. Et il innove. Un même long-métrage rassemble chronologiquement des scènes tournées chaque année durant ces douze ans. Comme s’il avait présenté pour la première fois Céline et Jesse l’année dernière, dans un unique film rassemblant des scènes de Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight. Comme si Truffaut avait sorti en 1979 un film mixant les vingt ans de la saga Antoine Doinel, jusque-là inédite. Ici donc, on suit un jeune héros, Mason, de six à dix-huit ans, avec sa sœur aînée et sa mère, séparés du père. En 2h43, le spectateur fait l’expérience concentrée de la durée romanesque, et vertigineuse, car l’enfant grandit sous nos yeux. Du plan initial où il observe le ciel, allongé dans l’herbe, à son bivouac final, où l’âge adulte et l’amour s’ouvrent à lui. Le montage est doux, fluide, ni musique ni effet appuyé. Un changement de plan entraîne souvent un saut dans le temps, via un raccord dans l’action ou dans l’espace. Chaque être prend du relief au fur et à mesure, tout comme il apporte sa pierre à l’édifice global. Et Linklater capte comme rarement les petits riens et les grands caps d’une vie en marche. Discret, mélancolique, bouleversant, ce long-métrage saisit. Un pari gonflé, vainqueur de l’Ours d’Argent de la mise en scène à Berlin.