Michel Gondry image un dialogue avec le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky, 85 ans. Un dessin animé par une maïeutique ludique.
Il faudrait enseigner Michel Gondry. Il faudrait prendre son art comme un cas d’école, qui élève, qui instruit, qui questionne. Il faudrait montrer, dans les cours de re-création, cette œuvre de cinéma simple comme un jeu d’enfant qu’est Conversation animée avec Noam Chomsky. Le réalisateur de La Science des rêves rêve la science humaine du penseur : il la rêve, il l’imagine, il l’anime. C’est l’illustration d’une pensée illustre, le dessin d’idées. Avec une table lumineuse et une caméra, du signifiant ajouté au signifié, avec les signes du cinéma, son langage magique est en mouvement.
La conversation s’est engagée par le hasard d’une rencontre au Massachusetts Institute of Technology, entre le réalisateur français et le philosophe américain. Sous-titrée avec facétie Is the Man Who Is Tall Happy ?, cette conversation interroge un homme, ouvre son crâne, suit ses chemins de pensée et de vie. Michel Gondry joue le questionneur candide qui avoue sa méconnaissance et son ignorance, s’en moque comme de son accent français qui coupe au couteau son anglais.
Au moyen du dessin animé, Michel Gondry renouvelle la forme de l’entretien et lui donne une fantaisie inattendue. L’intellectuel questionné ne cède rien de sa rigueur, mais sa pensée se dessine soudain avec un esprit nouveau, enrichie d’une dimension inédite : sa mise en jeu, littéralement. L’animation distrait la sécheresse ardue du théoricien de la grammaire générative (l’idée d’une origine biologique du langage), ses idées sont traitées par un amusement sérieux ; le sensible fait sens.
La conversation prend volontiers un tour enfantin et naïf. Elle ne polémique pas, ne débat pas, ne dispute pas. Comment lui en faire reproche puisque ce n’est pas son projet ? Michel Gondry fait du cinéma intelligent, pas un documentaire savant. Qu’importe si l’on s’égare, si l’on ne comprend pas tout Chomsky, si l’on passe sur des impasses : la conversation animée agite une pensée et sa voix, et soudain, on l’entend bien. Noam Chomsky n’est plus ce monstre intimidant qu’on n’a jamais osé aborder, trop complexe, trop pointu, trop inaccessible. Il est soudain une figure amusante, un génie de dessin animé, un héros d’enfance.