Le titre original, Little Men, rend infiniment plus justice au film que cette traduction qui n’en est pas une et évoque le vernis d’une histoire bien plus profonde et compliquée. Oui, ça se passe à Brooklyn, où la famille Jardine vient s’installer après la mort du père de Brian : ça les change de Manhattan et ça les arrange aussi, car Brian ne gagne pas sa vie en tant qu’acteur. Le quartier est en pleine mutation, la boutique du rez-de-chaussée, louée pour une bouchée de pain par feu monsieur Jardine, à Leonor, une femme venue d’Amérique latine et qui vit seule avec son fils Tony, va devenir un enjeu. Mais cette histoire de bobos américains, humanistes, certes, mais qui ne peuvent renoncer à l’argent, si elle dit bien l’air du temps, est surtout vécue à travers les yeux de deux ados : entre Tony et Jake, le fils de Brian, c’est l’amitié au premier regard. Ensemble ils sillonnent les rues, découvrent le monde et aussi les conflits d’intérêts qui agitent leurs ascendants. Par petites touches délicates, sans jamais asséner, partant du principe cher à Jean Renoir que « chacun a ses raisons », le scénario de Mauricio Zacharas et Ira Sachs est un bijou de délicatesse. La mise en scène épouse les corps et les visages, enregistre les frémissements et les doutes. Les deux gamins sont épatants et Greg Kinnear est parfait face à la grande actrice chilienne Paulina Garcia. À première vue il ne se passe rien, sinon deux enfants qui grandissent, le « bon droit » qui s’exerce, le métissage d’un quartier qui régresse, et la réalité de ce siècle qui vous frappe au visage. De plein fouet.