Après trois courts métrages remarqués en festivals, Joyce A. Nashawati passe enfin au long, avec un projet cinématographique des plus stimulants. Si le genre du film, entre anticipation et portrait d’un personnage qui sombre dans la folie, est difficile à définir, son histoire, elle, est aisément résumable : dans un futur très proche, Ashraf, immigré d’un pays voisin, arrive en Grèce, frappée par une canicule, pour garder la maison d’une famille de français aisés partis en vacances. Mais son séjour dans la belle demeure va peu à peu se transformer en un cauchemar éveillé. Si, du côté littéraire, on ira voir du côté de Borges ou Kafka pour trouver des repères, au cinéma, on pourrait parler de Roman Polanski ou des premiers films de Peter Weir pour se faire une idée de l’objet qu’on va découvrir. Ces références, qui pourraient être écrasantes, donnent en fait une bonne idée des sensations qu’on éprouvera à la vision du film de la jeune cinéaste. Et surtout celle d’inquiétante étrangeté, qui pourrait résumer l’atmosphère générale de l’œuvre. Car le scénario, minimaliste, est à l’image de la mise en scène d’une belle épure de la réalisatrice : tout entier au service du lent délitement d’un récit qui fait peu à peu pénétrer le spectateur dans un univers fantastique. Quelques scènes faussement anecdotiques mais vraiment dérangeantes, une bande son hypnotique et surtout la superbe photo en scope de Giorgio Arvantinis (qui fut un collaborateur régulier de Theo Angelopoulos) nous plongent peu à peu dans un monde oppressant où la réalité a de moins en moins de sens. Sans jamais forcer le trait narratif ou psychologique, Joyce A . Nashawati signe un film constamment intrigant, prélude à une filmographie qu’on espère riche.