Comédie sur fond de crise politique et humaine, Bienvenus ! est l’histoire de la rencontre d’un péquenaud norvégien avec des réfugiés venus de toutes les zones de conflits du monde. Un sujet « brulant » traité avec sérieux, finesse et légèreté.
Un vieil hôtel au fin fond de la Norvège. Pas un manoir, ni même un chalet rustique. Un petit immeuble en désuétude à quelques mètres de la maison familiale, dans le plus pur style « neutre » des années 1970 ou 1980 – pas franchement laid mais dépourvu de tout charme, de tout cachet. Un bâtiment « fonctionnel », dirait-on. C’est dans ce décor presque naturel, entouré de neige à perte de vue, qu’évolue avec sa famille Primus, autochtone des montagnes de Scandinavie. Elevé au grain, pas très habile, obtus et borné, il ressemble bien plus à l’oncle raciste des images d’Epinal qu’à un quelconque Viking mythologique.
Pour sauver de la faillite son hôtel fonctionnel qui ne fonctionne plus du tout, Primus a l’idée du siècle : transformer le bâtiment à l’abandon en centre d’accueil pour réfugiés. Paraît-il que le gouvernement finance très généreusement les propriétaires de ce genre de centres. Bien évidemment, Primus a crié fortune un peu vite. Rapidement, son hôtel devient une sorte de tour de Babel en friche, et il se rendra compte qu’il ne suffit pas de caser les gens dans des chambres (même après avoir réparer les portes) pour devenir gestionnaire d’un camp de réfugiés.
Par son humour cocasse, ses personnages patauds mais attachants, Bienvenus ! parle d’un sujet sérieux – pour ne pas dire grave – sans pathos ou lourdeur. C’est souvent dans son intelligence que le film est le plus drôle. Comme lorsque l’histoire du conflit au Moyen-Orient semble s’interpréter devant le regard anxieux de Primus au moment où les réfugiés doivent se choisir un colocataire.
Dans ce qui ressemble par moment à l’adaptation réussie d’un jeu de gestion, on est fasciné par l’avancée des travaux de mise aux normes de l’hôtel. Travaux qui vont souder le groupe, que Primus apprendra à connaître. Ainsi se lient des amitiés, d’abord entre la fille de Primus et une réfugiée syrienne. Et puis, presque sans s’en rendre compte – mais l’amitié est toujours accidentelle – Primus lui-même va oublier ses préjugés et va se lier avec Zoran, un électricien toujours sérieux et sceptique (interprété par le français Slimane Dazi), et surtout avec Abadi, un réfugié congolais qu’il prendra sous son aile (à moins que ce ne soit l’inverse).
En fin de compte, le plus paumé dans cette histoire, c’est Primus, trimballé dans ses émotions comme un chien dans un jeu de quilles, incapable de prendre une décision ferme concernant sa vie intime, dominé par sa femme autoritaire qui « déteste la manière dont sont traités les immigrants dans ce pays » sans jamais étayer ses propos. Sans le faire exprès, en créant ce centre de migrants, Primus s’ouvre au monde sans partir de chez lui, et affine son rapport aux autres. A travers son scénario simple et efficace – presque un concept – Bienvenus ! est une belle fable humaine, sans jamais être une leçon de morale. Un humble message d’humanité, frais et drôle, tendre et émouvant.