Au fil d'Ariane
Les contes chez Robert Guédiguian (L’Argent fait le bonheur, Marius et Jeannette, A l’attaque !) comportent une morale (parfois amorale), ou une sorte de mot d’ordre. Au fil d’Ariane est une fantaisie annoncée, conçue comme un « cadeau » à Ariane Ascaride. A la suite de son héroïne, sorte d’Alice au pays des merveilles d’aujourd’hui, le récit se balade et digresse, change de cap, de genre, de style : bref, on passe du coq à l’âne avec un plaisir constant, une invention permanente. Mais, même quand il tente de ne pas être politique, même quand il écrit pour la première fois avec un nouveau scénariste (l’auteur de théâtre marseillais Serge Valetti), le réalisateur de A la vie, à la mort ! et La Ville est tranquille ne peut s’empêcher de revenir à ses bases, sa cité phocéenne, sa mer et ses bateaux, ses usines et ses bars, et le rêve communautaire qui l’habite, lui, depuis toujours. Alors Ariane rencontre un jeune homme en scooter, un chauffeur de taxi monté en boucle, un patron de restaurant amoureux de Jean Ferrat, un Américain à l’accent du Sud, une tortue qui parle, un gardien de musée qui n’a plus rien à garder… Et tout ce petit monde a des choses à se dire (et à nous dire), des moments à vivre (et à nous faire vivre). Un casse nocturne au Palais Longchamp, un naufrage sans dégâts, une chanson de Brecht chantée comme au cabaret… C’est ludique et fou, gentiment naïf et détaché. Et Ariane Ascaride et ses camarades s’amusent visiblement, mais sans jamais nous laisser sur le bas côté. Alors, entrons dans la ronde…
Par Elsa Badenelli