Parce que la salle obscure reste le lieu idéal et sacré pour découvrir des œuvres cinématographiques, les BandapArtistes clament leur amour de ces indispensables espaces de vie sociale – à travers des récits d’anecdotes et de souvenirs -, en attendant leur prochaine réouverture.
Comme pour la plupart de mes éminents collègues qui posent ici leurs mots, la salle de cinéma est pour moi un endroit magique, lieu de beaucoup de souvenirs forts.
La mort de Mufasa vécue en famille, la bataille de Minas Tirith, le silence scotché de fin de projection de Million Dollar Baby, le débat enflammé à la fin de Mulholland Drive avec les autres spectateurs… J’ai vu des films par centaines, j’ai pleuré, ri, je me suis laissé emporter par les images et leurs créateurs.
J’ai même le privilège immense d’avoir vu s’afficher sur grand écran mon nom, au début de films que j’avais écrits.
J’ai fait partie de ceux qui se tapissent dans le noir pour écouter les réactions des spectateurs.
Au milieu des salles, j’ai retenu mon souffle à l’avance, en attendant de voir si la salle qui regardait un film sur lequel j’avais eu l’honneur de poser ma plume réagissait comme je l’avais « prévu ».
J’ai souri jusqu’aux oreilles en entendant les spectateurs retenir collectivement leur souffle, rester muets sous l’uppercut d’images fabriquées à partir de mes mots, ou rire à gorge déployée.
Bref, j’en ai vécu des choses, en salle de cinéma…
Mais quand on m’a demandé de raconter mes souvenirs de salle, ce n’est même pas Papicha applaudi à Debussy lors du Festival de Cannes, ou la salle dans laquelle mes parents ont vu Patients qui m’est revenue… C’est une salle de Villeneuve d’Ascq, un UGC dans lequel j’ai vu Les Trolls qui a surgi à ma mémoire.
Parce que Les Trolls, je l’ai vu avec la plus grande de mes petites-nièces. Mélodie avait tout juste trois ans. Et ça faisait trois ans que j’avais prévenu toute la famille : le premier cinéma, ce sera avec moi.
Alors on s’est préparées. Je lui ai montré des films, à la maison, pour « tester ». Et puis je lui ai appris les deux règles fondamentales : au cinéma on ne parle pas, on chuchote. Et on ne gigote pas jusqu’à ce que les lumières soient rallumées.
Oui, elle était déjà plus attentive et moins insupportable que la plupart des spectateurs qu’on peut croiser dans les salles des adultes…
Les règles intégrées, j’ai choisi un film pour enfants, et une séance de l’après-midi, en me disant que, s’il y avait quelques manquements aux règles, ou s’il fallait sortir en urgence, ça passerait mieux.
Et zou. En salle.
J’étais prête à tout. À sortir, à la rassurer, à la gronder même. Mais je ne crois pas que j’étais prête à la voir telle qu’elle a été toute la séance. Immobile. Attentive. Fascinée.
Elle avait déjà vu des films pour enfants, à la maison : des Pixar, des Ghibli… Elle avait aimé, s’était projetée.
Mais là…
La magie du cinéma, c’est ça aussi.
Une expérience dingue, une heure trente de plongée dans un écran, dans une histoire, dans un univers.
Et parce que pour nous, c’est presque devenu banal, ce moment magique, ça m’a fait un bien fou de le voir de mes propres yeux, appliqué à une petite fille de 3 ans. Elle n’a pas bougé d’un cil, elle a vécu cette expérience complètement.
En sortant, son émotion a duré encore. J’ai même voulu la capter, pour me souvenir de cette émotion qui la submergeait encore, la rendait… toute chose.
Aujourd’hui (enfin hier, enfin bientôt), on continue à aller au cinéma, on ouvre peu à peu le champ des possibles, des films à voir, des classiques aux nouveaux, de l’animation au « live ».
Et j’ai hâte d’emmener numéro deux et numéro trois, qui ont tout juste trois ans, à leur prochaine séance de cinéma.
Mais il reste que, quand j’ai une baisse de moral, que je me demande pourquoi on fait tout ça, pourquoi c’est important, pourquoi le cinéma…
Alors je re-re-re-re-re-re… regarde cette vidéo, et je retrouve la foi en la magie du cinéma.