72 jours. Je voudrais être Scarlett O’Hara/Vivien Leigh et répéter comme un mantra : « J’y penserai demain ». Tidelidi, fichue pandémie. Toujours pas l’ombre du début d’une perspective de réouverture des salles, fussent-elles de cinéma ou de spectacle. Les virus mutent, on n’en attendait pas moins d’eux. Les références cinématographiques sont consolatrices, mais guère magiques. La méthode Coué ne fonctionne plus. Play it again, Germaine. Rejouez-moi ce moment où, ticket à la main, l’on pénètre dans l’antre où des images, des vies et des mondes se projettent sur grand écran, où nous sommes plusieurs à rire ou soupirer à la même seconde exactement, et glisser discrètement un doigt vers l’œil mouillé au-dessus du masque. Quand nous reverrons-nous, chers fauteuils de velours ?
Si les cinémas et les théâtres étaient ouverts et pas les magasins et les églises, les commerçants et les fidèles râleraient. C’est insoluble. On tourne en rond. Impossible de sortir de ce labyrinthe, pire que celui de Shining de Stanley Kubrick. Je me souviens de la salle où je l’ai vu un soir d’octobre 1980, c’était à Lille ; mon voisin, dont je me croyais amoureuse, s’est mis à me parler. Pendant le film !?! Il était impressionné par Nicholson, je crois ; la folie du personnage lui filait les chocottes, il faisait diversion, sans doute. Certes, mais ce n’est pas une raison ! Je pense qu’on a rompu en sortant de la salle. Non mais !
Nous vivons dans un film d’horreur, un virus en série nous poursuit, et maintenant il a un frère jumeau encore plus véloce que lui. On peut acheter une cocotte-minute, de la peinture au minium ou du Velcro. Mais pour le reste, aucune visibilité. « Je vais me coucher… La vie est un cauchemar, je vais rêver qu’elle est belle ! », clame de sa voix nasillarde Claude Dauphin dans Entrée des artistes de Marc Allégret. Ce beau film sur l’amour et le théâtre, et l’amour du théâtre, sur l’être et le paraître, où l’on entend aussi, grâce à Louis Jouvet et son inimitable phrasé « Mettre un peu d’art dans sa vie, un peu de vie dans son art … ». C’est mieux que de l’eau dans son vin…