Le colosse à la barbe fleurie et au regard d’aigle éclate d’un grand rire. Filmé en contre-plongée, obscurcissant un bon tiers de l’écran par son imposante silhouette vêtue de noir, il est entouré de courtisans hilares. Il conte alors l’histoire du scorpion demandant à une grenouille de le prendre sur son dos pour traverser un fleuve. Celle-ci refuse de peur d’être piquée, l’arthropode lui rétorque que ce ne serait pas logique, car il mourrait, lui aussi. La grenouille embarque donc le scorpion… qui la pique. « Où est la logique ? », demande le batracien. « Je n’y peux rien, c’est mon caractère », rétorque l’autre en se noyant.
Play it again, Germaine… Silence, on coule !? Cette scène grandiose parmi d’autres dans Mr Arkadin de et avec Orson Welles nous rappelle, juste après les annonces gouvernementales du 10 décembre concernant la non-réouverture des cinémas et des salles de spectacle, à quel point les détenteurs du pouvoir peuvent se fourvoyer et entraîner tout le monde vers la catastrophe. Les cinémas resteront donc fermés jusqu’au 7 janvier 2021 au moins. Où est la logique ? Quand les magasins sont bondés comme les métros, quand – c’est pas pour cafter – à la sortie d’un certain lieu de culte dimanche matin, j’ai vu des hordes de gens agglutinés, riant et parlant, sans masque pour la majorité d’entre eux ?
Où est la logique ? Les distributeurs, les exploitants avaient bossé comme des damnés pour être prêts le 15 décembre, pour rallumer leurs salles et la flamme, proposer du bonheur aux spectateurs. Dans le strict respect des gestes barrières. Mr Arkadin, comme tous ces films qui nous accompagnent, nous font grandir. La mise en scène, la profondeur de champ, la beauté des décors, la luminosité du noir et blanc, les sensations de vertige et de folie sont magiques sur grand écran… Nous resterons donc sur nos canapés, avec des films confinés à la taille de nos téléviseurs et ordinateurs. En attendant mieux.