Comme une irrépressible envie de revoir The Shop Around The Corner (en VF Rendez-vous) d’Ernst Lubitsch (1940) avec Margaret Sullavan et James Stewart. Cette délicieuse comédie romantique, où deux employés d’une boutique de cadeaux à Budapest, sans le savoir, s’envoient des lettres d’amour, en dehors d’être un monument du cinéma — élégance, rapidité, ellipses et idées brillantes, dialogues étincelants (signés de l’orfèvre Samson Raphaelson, d’après la pièce de Miklos Laszlo) et acteurs au sommet — est un film qui réchauffe et rend léger.
Il évoque la solidarité d’une équipe de vendeurs, la peur du chômage qui rôde (nous sommes dans les années 1930), le goût du travail bien fait, la gentillesse qui sauve de tout et l’amour qui rend heureux. On y entend Les Yeux noirs, chanson russe entêtante (même sortie d’une boîte à musique), on y cite Victor Hugo, on y fait référence à une actrice de la « Comédie-Française » (en français dans le texte). Et c’est Anna Karénine de Tolstoï posé sur la table du café que les amoureux choisissent comme signe de reconnaissance.
La petite boutique au coin de ma rue (enfin, pour être exacte, à deux rues de mon coin) est une librairie et elle est fermée. Et ça me fait peine, pour les livres, pour les écrivains, pour les éditeurs, et pour les lecteurs. Je sais, il y a des choses plus graves dans la vie, des hommes avec des armes blanches hantent les lieux de culte à Lyon, à Nice, ou font la sortie des lycées à Conflans-Sainte-Honorine. Un virus nous guette et il fait des ravages. Mais tout ce qui nous éloigne du savoir ou du plaisir, de la beauté et du partage est grave. On ne le répètera jamais assez. Play it again, Germaine, rengaine pour rengaine, autant entonner celle-ci !
Hiérarchiser les chagrins n’empêche pas de sortir les mouchoirs pour Sean Connery, acteur écossais à la présence imposante, disparu ce 31 octobre.
Sept fois James Bond, le plus charmeur charmant de toutes les incarnations de cet espion macho qui tombe les filles avec une facilité désarmante, il fut aussi inoubliable dans Pas de printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock ou La Rose et la Flèche de Richard Lester.
Il disait qu’il se rêvait en beau vieillard et il le fut, dans Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, Les Incorruptibles de Brian De Palma et Indiana Jones et la dernière croisade de Steven Spielberg. Ses sourcils en accent circonflexe n’ont jamais cessé d’accompagner avec un trait d’ironie son regard de braise.