« You must remember this, a kiss is just a kiss, a sigh is just a sigh / Tu dois te souvenir qu’un baiser reste un baiser, qu’un soupir n’est qu’un soupir… », entend-on dans As Time Goes By, la chanson de Casablanca… En revanche, dans ce sublime film de Michael Curtiz (1942), jamais, au grand jamais, on n’entend la réplique « Play It Again, Sam », à propos de cette chanson, qui scella leurs amours passées. Ni murmurée par Ingrid Bergman, ni intimée par Humphrey Bogart au pianiste Sam, incarné par Dooley Wilson. Cette phrase reste néanmoins culte, surtout depuis que Woody Allen en a fait le titre de sa pièce de théâtre, adaptée au cinéma en 1972 par ses soins et mise en scène par Herbert Ross (en français, Tombe les filles et tais-toi.)
Comme sur un air de déjà-vu, qui hélas ressemble plus à la rengaine insupportable de Sonny and Cher réveillant chaque matin Bill Murray qu’à cette magnifique chanson de circonstance évoquant le temps qui passe, la vie s’organise. Il faut dire au revoir au monde du dehors et retourner dans le monde du dedans… Dans sa tête.
Qui veut retourner dans sa tête ? Heureusement, dans la mienne, il y a plein de cinéma, des images, des dialogues, des fulgurances visuelles et sonores qui m’accompagnent souvent, me sauvent parfois des idées noires. Et je pense à cette réplique savoureuse de Jacques Prévert dans Les Enfants du paradis de Marcel Carné (1945), dans la bouche de Pierre-François Lacenaire (écrivain public et dandy, voleur, receleur, chef de bande et assassin) interprété par Marcel Herrand : « Mon directeur de conscience me répétait sans cesse : vous êtes trop fier, Pierre-François, vous devez rentrer en vous-même. » Alors, je suis rentré en moi-même. Et je n’ai jamais pu en sortir ! Les imprudents ! Me laisser seul avec moi-même ! Et dire qu’ils m’interdisaient les mauvaises fréquentations ! »
Fréquenter Casablanca (1) et Les Enfants du Paradis (2), il y a pire en tout cas… Que voilà un programme consolateur…
Car le cinéma, les acteurs, les chansons, les livres, les images, les mots et les musiques, s’ils ne guérissent pas des virus, protègent de tout le reste, ils ouvrent des portes et des mondes et nous emmènent ailleurs. Hors de nos têtes.
Ce matin sur France Inter, la lettre d’Ariane Ascaride au président de la République n’était pas consolatrice, mais si belle et juste. Et vibrante. Elle disait bien la colère, saine. La voix tremblait un peu, les mots étaient choisis, ciselés ; et l’urgence d’une réponse aux questions posées par l’actrice à propos de la place de la culture dans ce confinement, saison 2, semblait impossible à esquiver…
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