Reprise de l’inoubliable film en apesanteur de Wim Wenders, Les Ailes du désir.
On appelle le retour d’un film sur les écrans, une reprise. Terme adéquat mais plat. Et si, parfois il s’agissait plutôt d’un nouvel envol ? Les Ailes du désir de Wim Wenders, prix de la mise en scène au 40ème Festival de Cannes en 1987 (c’était la moindre des choses), ressort le 25 avril. On se souvient de ces anges en noir et blanc, Damiel-Bruno Ganz et Cassiel-Otto Sander, ces anges compatissants à nos chagrins au dessus de Berlin. On se souvient de la tournoyante trapéziste en couleurs, Marion (Solveig Dommartin), belle à se damner, assez belle pour qu’un ange renonce à l’éternité. On se souvient de la présence énigmatique de Peter Falk, crédité au générique comme « lui-même », son errance malicieuse dans la ville écartelée par le mur reconstruit sur 300 mètres par Wenders. On se souvient de la dédicace finale : « À tous les anges précédents, plus particulièrement Yasujiro (Ozu), Andrsej (Tarkovski) et François (Truffaut)… »
Dès sa sortie, le film se verra offrir un bouquet d’adjectifs exaltés. Il est « magnifique » (c’est vrai), « magique, », « poétique », « philosophique », « métaphysique », « épiphanique ». C’est une « allégorie céleste ». Wim Wenders lui donnera une suite en 1993, Si loin, si proche. Tout le monde est là, plus Nasstasia Kinski en ange gardien, Willem Dafoe en méchant et même, brièvement, Mikael Gorbatchev « dans son propre rôle ». Cassiel (Otto Sander) veut à son tour quitter le ciel, mais Berlin réunifié, Berlin où le mur est tombé, n’est pas le paradis terrestre espéré… Mélancoliques retrouvailles, malgré les efforts de chacun et de tous, une partie de l’enchantement s’est envolé. Et puis, en 1998, il y aura aussi un oubliable remake américain de Brad Silberling, La Cité des anges, avec Nicolas Cage et Meg Ryan.
La vénération pour ces anges si humains, cependant ne s’arrête pas là. En 2015, parution d’un roman graphique très fidèle signé Sebastiano et Lorenzo Toma (père et fils), et au Festival Off d’Avignon, en 2017, proposition fortement remarquée de Gérard Vantaggioli, situant son adaptation théâtrale des Ailes du désir, non plus à Berlin, mais à… Avignon ! Ainsi le film de Wim Wenders laisse-t-il au fil du temps, depuis trente ans, son infatigable, son irréfragable empreinte. Le désir des ailes n’est pas encore tari…