Où l’on voit que le trop est l’ennemi du bien, mais cette phrase n’a pas cours à Cannes, sinon le Festival ne serait pas le Festival…
Avant même sa projection officielle ce lundi 12 juillet en compétition au Festival de Cannes, The French Dispatch, le film de Wes Anderson tourné à Angoulême avec un casting extraordinaire et pléthorique (Tilda Swinton, Bill Murray, Frances McDormand, Elisabeth Moss, Léa Seydoux, Timothée Chalamet, Willem dafoe, Adrien Brody…) était un phénomène unique en son genre. De mémoire de festivalier, il est le seul film de l’histoire du cinéma à avoir été sélectionné deux fois en compétition au Festival de Cannes : l’an dernier, parmi les « labellisés 2020 » qu’étaient également, en l’absence d’un « festival physique », Ibrahim, Drunk, Les Deux Singes, Lover Rocks, Été 85 ; et, donc, en cette année 2021 et en chair et en os, si l’on ose écrire. C’est une anomalie, un phénomène aussi unique que Jim Jarmusch remportant, en 1984, pour Stranger Than Paradise, son deuxième long-métrage après Permanent Vacation, la Caméra d’or, qui, rappelons-le à toutes fins utiles, récompense depuis sa création et dans toutes les sections du Festival… un premier film…
Après la projection, The French Dispatch reste ce phénomène, mais, sur le plan du cinéma et du plaisir pur, il redevient ce film débordant et pléthorique, sorte de poupée gigogne qui vacille sous la pression des couches et leur vanité. Et où les stars sont si nombreuses que certaines vous échappent. Je fais ici solennellement un aveu d’impuissance et un appel à témoins : quelqu’un a-t-il eu le temps de voir Anjelica Huston dans le film ? En dehors de son nom au générique final, s’entend ? Dans quelle scène et sous quel déguisement ?
Il n’y a rien de plus ennuyeux que le consensus, et depuis que ce festival a ouvert, on ne peut pas dire que quoi ou qui que ce soit fasse consensus. Même le Covid divise, c’est dire… Et si l’allocution présidentielle de ce lundi nous a prédit « un été de vigilance » en rappelant la nécessité vaccinale et des gestes barrières, le Festival de Cannes, en a déduit hier soir Thierry Frémaux, ira à son terme « dans des conditions normales ». C’était sur la scène de l’auditorium Debussy, où il présentait La Croisade de et avec Louis Garrel dans la section Cinéma et climat, la section verte et non compétitive du Festival qui semble nous dire que le thème de la sauvegarde de la planète n’est pas susceptible de remporter… une palme… Il y a dans La Croisade un petit garçon charmant et doué interprété par Joseph Engel (déjà présent dans L’Homme idéal de et avec), quelques répliques éducatives sur l’écologie, et suffisamment de trous de scénario et d’aberrations pour s’interroger sur l’empreinte carbone du film, Anjelica Huston, et la définition du mot « normal »…