« Abierto, ouvert, yeolda, open ». Le festival peut commencer. Le Jury est prêt, les spectateurs aussi, et le costume rose de Spike Lee a éclipsé toutes les parures des belles dames du jury.
« L’art peut-être violent, parfois. Mais c’est aussi la manière la plus douce de montrer des choses violentes. », a déclaré Doria Tillier, maîtresse de céans en robe blanche et sans chichis. Cérémonie calme, mais tenue, devant un parterre de réalisateurs et d’acteurs, beaucoup de français, mais aussi Helen Mirren, Jessica Chastain, Andie MacDowell, Adam Driver… Et quelques « labellisés » de 2020 qui n’ont pas eu la chance de montrer leur film sur l’écran géant du Grand Théâtre Lumière : Samir Guesmi, Bruno Podalydès, Lucas Belvaux, Nicolas Maury…
Alors qu’ensemble Pedro Almodovar, Jodie Foster, Bong Joon-Ho et Spike Lee ont déclaré hier soir en quatre langues le festival ouvert, lançant la compétition officielle, aujourd’hui, ce sont les sections parallèles qui s’y collent. Avec trois films originaux, différents, exigeants et beaux. Un Certain Regard présente Onoda de Arthur Harari et son militaire japonais coincé dans la jungle sans savoir que la guerre est finie, histoire vraie d’une attente sans fin, version luxuriante et tropicale de Drogo dans sa citadelle du Désert des Tartares. (Lire notre critique, ici). La Quinzaine des Réalisateurs dévoile Ouistreham de Emmanuel Carrère d’après le livre de Florence Aubenas ; ou l’incursion d’une journaliste dans le monde des « invisibles » (ou plutôt celles qu’on ne regarde pas…), ballade bouleversante sur le travail et la différence sociale, le mensonge et le lien, avec Juliette Binoche (formidable) et des débutantes inconnues d’une justesse inouïe. Enfin, la Semaine de la Critique, en plein boum d’anniversaire puisqu’elle célèbre ses 60 ans, nous offre Robuste de Constance Meyer fiction sur la rencontre entre deux âmes esseulées, un vieil acteur célébrissime et une jeune femme chargée de sa sécurité. Très réussi, ce premier long-métrage met face à face deux carrures et deux acteurs robustes : Déborah Lukumuena et Gérard Depardieu. Et il fonctionne aussi comme un documentaire sur ce dernier, engoncé, seul, le souffle court, mais toujours là avec son émotion intacte.
Cannes, cette petite planète où tout le cinéma mondial vient de se poser, habite parfois un Festival nombriliste, qui étouffe sous les paillettes. En ce deuxième jour de l’édition 2021, on sent comme une vibration à l’unisson, un rapport au monde renforcé, un regard ouvert et bienveillant sur sa violence et sa réalité, sa tendresse et son humanité. Serait-ce le smoking de Mister President Spike Lee qui nous fait voir ainsi la vie en rose ?