Cette année, nombreux sont les acteurs à présenter plusieurs films à Cannes. Mais, au risque de passer pour biaisée (ce qui vaut toujours mieux que blasée), en vérité je vous le dis, la reine du Festival s’appelle Tilda Swinton.
Tilda Swinton, on l’aime d’amour. C’est clair, c’est net, et ça dure depuis toujours. Depuis les films de Derek Jarman (cette première apparition de madone rousse dans Caravaggio) et les transformations à vue dans Orlando de Sally Potter, entre ici et maintenant, femme et homme, réalité et fiction… Tilda Swinton, et c’est une des merveilles de cette édition 2021, est partout sur les écrans cannois.
À la Quinzaine des Réalisateurs dans le diptyque The Souvenir I & II de Joanna Hogg, qu’elle produit et où elle interprète la mère très bourgeoise (boucles grises et kilt si sage) du personnage central, incarné par Honor Swinton Byrne… jeune comédienne très prometteuse qui n’est autre que sa propre fille dans la vie. Dans la compétition, en conférencière vêtue d’orange et coiffée d’une choucroute rousse qui lui donne l’allure de Margareth Thatcher dans The French Dispatch de Wes Anderson. À Cannes Classics dans un film inédit en France Friendship’s Death de Peter Wollen (1987), où il est attesté pour la première fois ce que d’autres réalisateurs ont montré par la suite, littéralement ou métaphoriquement : que Tilda Swinton est une extraterrestre.
Fregoli gourmande, caméléon total. Son étrangeté, son incongruité, son goût pour le déguisement, la puissance et la douceur qui émaillent ses incarnations, toutes ces forces contraires qu’elle sollicite et réconcilie (ou pas), c’est sans doute plein de mystères cachés sous des mots, et qui n’expliqueront jamais tout à fait pourquoi Tilda Swinton est Tilda Swinton.`
Pour la quatrième et dernière fois de ce cru 2021, on la revoit dans Memoria d’Apichatpong Weerasethakul. Sans parure outrancière, vêtue de gris et de beige, les cheveux coupés en un carré raide et sage, elle interprète, de passage en Colombie, une scientifique spécialiste des orchidées et qui, hantée par un bruit sourd qui l’a éveillée en pleine nuit, cherche à le décrire et le retrouver… Dans ce film hypnotique, où le son omniprésent du vent, de l’eau, de l’air, du vivant en somme, semble vous inviter à méditer, à dormir – rêver, peut-être? -, Tilda Swinton est la même et une autre, une femme ordinaire qui se meut dans un monde extraordinaire… À moins que ce ne soit l’inverse…