Dis-moi, Greta, que s’est-il donc passé ?
« Je dédie ce prix à tous les travailleuses et travailleurs du sexe, passés, présents et à venir », a déclaré l’Américain Sean Baker en recevant sa Palme d’or pour Anora. Ce fut l’ultime phrase prononcée lors de la cérémonie de clôture de ce 77e Festival de Cannes, juste avant l’appel à la photo d’usage et les adieux circonstanciés. On voulait de l’inédit : en v’là ! Car les réalisateurs palmés par le passé ont remercié leurs parents, leurs conjoints, leurs acteurs, leurs producteurs. Ils ont dédié leurs prix aux mêmes. Mais aux travailleurs/travailleuses du sexe, c’est une première. Qu’Anora, film indépendant américain énervé porté par une actrice en lévitation, Mikey Madison, soit si haut dans le palmarès est surprenant. Et, finalement, à l’image d’un festival de bonne tenue, mais sans révélations ni énormes coups de cœur.
Autre nouveauté et non des moindres, Karla Sofía Gascón, l’actrice trans de Emilia Peréz de Jacques Audiard (par ailleurs Prix du jury) venue chercher son trophée au nom des quatre actrices du film, a défendu haut et fort les couleurs LGBTQI à la tribune. On se souvient que l’an dernier, Justine Triet, Palme d’or pour Anatomie d’une chute, dénonçait la politique des retraites et le pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé…
Mohammad Rasoulof et son remarquable brûlot anti-mollahs, anti- patriarcat situé au moment de l’explosion du mouvement « Femmes, Vie, Liberté », tourné en contrebande en Iran, fut un instant espéré pour la Palme d’or. Relégué à un Prix spécial ajouté au palmarès pour l’occasion, Les Graines du figuier sacré a, par ailleurs, reçu le Prix des Cinémas Art et Essai AFCAE, le Prix œcuménique, le Prix FIPRESCI de la presse internationale… Excusez du peu. Mais son discours est sans doute le plus fort et le plus vibrant que l’on ait entendu hier soir. Et de la standing ovation qui lui a été faite à deux reprises à l’image de Coppola serrant dans ses bras George Lucas, Palme d’or d’honneur, il y eut, lors de cette cérémonie, quelques moments jolis.
Chaque palmarès apporte son lot de déconvenues. On déshabille Paul pour rhabiller Jacques, on refait le match. Mais pourquoi rien de rien pour Bird d’Andrea Arnold ? Ni pour Diamant brut, beau début de la jeune Agathe Riedinger, ni pour La Plus Précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius, conte animé plein de poésie et d’émotion ? Nous n’aurons pas les réponses. Les jeux sont faits. Reste à voir dans quelle mesure les films, à leur sortie, attireront les spectateurs dans les salles. Ce sont eux qui auront le dernier mot.
Iabelle Danel
Le Palmarès 2024
- Palme d’or du court-métrage
The Man Who Could Not Remain Silent de Nebojsa Slijepčević
Mention spéciale
Bad for a Moment de Daniel Soares
- Caméra d’or
Armand de Hafdan Ullmann Tøndel (Un Certain Regard)
Mention spéciale
Mongrel de Wei Liang Chiang & You Qiao Yin
- Prix d’interprétation masculine
Jesse Plemons pour Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos
- Prix d’interprétation féminine
Karla Sofía Gascón, Zoe Saldaña, Selena Gomez, Adriana Paz dans Emilia Pérez de Jacques Audiard
- Prix du scénario
Coralie Fargeat pour The Substance
- Prix spécial du jury
Mohammad Rasoulof pour Les Graines du figuier sauvage
- Prix du jury
Emilia Pérez de Jacques Audiard
- Prix de la mise en scène
Miguel Gomes pour Grand Tour
- Grand Prix du jury
All We Imagine as Light de Payal Kapadia
- Palme d’or
Anora de Sean Baker