Ça y est, déjà tout se mélange. Ça pétarade dans le ciel, et ça scintille doucement au cœur de sentiments forts dans les films. Enfin, certains films…
Hier, 18 mai, il y a eu du festif sur le tapis rouge et au-dessus. Tandis que Tom Cruise embrasait la foule en venant présenter le blockbuster du jour (Top Gun Maverick), suite dispensable de son succès d’antan, (Top Gun (1986), suivez un peu s’il vous plaît !) la patrouille de France lui rendit un hommage zélé et ailé. Il fallait bien ça pour célébrer celui qui introduisit les pilotes dans la culture populaire (sic). C’est ainsi que, transperçant le ciel cannois, trois avions surpuissants (ne me demandez pas quelle marque) laissèrent dans leur sillage une fumée bleu-blanc-rouge. C’était à 19 h15, et trois heures plus tard, un feu d’artifice explosait dans la nuit noire. Savoir si tout ça est vraiment bon pour la couche d’ozone est une autre histoire.
Ce qui est bon pour le cinéma, c’est ce brouhaha, ce faste, et à côté les films dits d’auteur, qui embrasent à leur façon le cœur des cinéphiles. Lors de l’ouverture de la 61e Semaine de la Critique, Ava Cahen, nouvelle déléguée générale, présenta avec émotion le premier long- métrage de l’acteur américain Jesse Eisenberg (The Social Network, Café Society). Celui-ci fit gondoler la salle en remerciant le public de ne pas être allé voir Top Gun, comparant son sentiment à celui qu’il ressentait adolescent lorsque, organisant une fête avec quelques copains, il constatait toujours que la star de foot locale en avait organisé une plus festive. When You Finish Saving the World approche avec délicatesse, mélancolie, justesse et drôlerie la relation entre une mère et son fils adolescent. Julianne Moore et Finn Wolfhard y composent un duo d’antagonistes tragi-comiques impressionnant. À la fois modeste et universel, le film est une très belle réussite.
Et côté compétition, le deuxième long-métrage en lice pour la Palme, bien que belge, parle italien. Les Huit Montagnes de Félix Van Groeningen et Charlotte Vandermeersch (Alabama Monroe) est en réalité une coproduction franco-belgo-italienne. Si vous entendez parler de « Brokeback Mountain belge », vous pouvez pouffer ! L’expression, bien qu’imagée et parlant aux cinéphiles de plus de 40 ans (il y en a), n’est qu’une fausse piste. Une formule pour réseaux sociaux. Ce beau (et certes un peu long) film contemplatif en format carré situé dans les montagnes de la Vallée d’Aoste raconte l’amitié indéfectible née à 11 ans , en 1984, entre Bruno et Pietro ; le premier est un enfant du cru, le deuxième vient de Turin et passe là ses vacances. Née dans un petit village en pleine désertification (« Ils ont construit une route et tout le monde est parti », raconte Bruno), cette superbe histoire de liens choisis, adaptée du roman de Paolo Cognetti, est d’une densité rare et nous emporte sur les ailes de sentiments complexes avec une grande simplicité. Interprétant Bruno et Pietro adultes, Alessandro Borghi et Luca Marinelli sont intenses et déchirants. Un double prix d’interprétation (masculine), déjà ?