75 ans et toujours somptueux, le Festival de Cannes s’ouvre ce soir. Le ciel est aussi bleu que l’affiche, il fait un temps de rêve. Pourtant, un tsunami de films s’apprête à déferler sur la ville.
Cette année 2022 marque le 75e festival de Cannes. Même si celui de 1968 fut annulé par Godard, Truffaut et consorts accrochés aux rideaux de l’ancien Palais. Même si celui de 2020, frappé par la pandémie de Covid 19, ne fut qu’une virtuelle distribution de labels. 75e, on vous dit. Pas la peine de chipoter : c’est marqué sur l’affiche. Et au fronton du Palais, l’escalier de la scène finale de The Truman Show (1998) monte droit vers le ciel et ajoute une nuance de bleu à l’azur méditerranéen. Est-ce l’endroit où la fiction rejoint la réalité ? Allez savoir… Mise en abyme supplémentaire : le film de Peter Weir sera projeté à la nuit tombée au Cinéma de la Plage…
Ce soir, le jury présidé par Vincent Lindon va se déployer sur la scène du Grand Auditorium Lumière. Et, sur l’écran géant, Coupez ! va effrayer, puis égayer les premiers spectateurs cannois. Tandis que, simultanément, dans certaines salles de France, la cérémonie présentée par Virginie Efira sera retransmise en direct avant la présentation du huitième opus de Michel Hazanavicius en sortie nationale ce jour. Cette simultanéité ne durera pas, hélas. Ensuite, il y aura comme une désynchronisation progressive entre les festivaliers et les autres. Sauf pour trois œuvres profitant de la chambre d’écho cannoise pour se frayer un chemin vers le public hexagonal : Frère et Sœur d’Arnaud Desplechin (le 20 mai), Don Juan de Serge Bozon (le 23) et Les Crimes du futur de David Cronenberg (le 25).
Pour l’heure, l’homme du jour, qui recevra une Palme d’or d’honneur, s’appelle Forest Whitaker. Je me souviens du jour où ce géant au doux sourire est apparu sur l’écran du Palais des Festivals. C’était le 21 mai 1988, il était Charlie Parker, fort et fragile, bouleversant, évident dans Bird de Clint Eastwood. Une révélation absolue. Un moment d’incarnation, pour lequel il faudrait inventer des mots à usage unique… Et deux jours plus tard, le même en smoking et nœud papillon noir, arrivant sur scène à bout de souffle pour recevoir le Prix du meilleur acteur. Troublé, ému, mais ayant la présence d’esprit de citer tout le casting, de remercier la chance et son metteur en scène, ainsi que Charlie Parker soi-même. Il avait 27 ans, il était grand déjà, mais il n’a cessé, depuis, de se dépasser. C’est ainsi que les immenses acteurs vivent, et nos regards de près les suivent…