L'événement Louis de Funès
La toute première exposition de la Cinémathèque consacrée à un acteur !
Exposition Louis de Funès à la Cinémathèque française du 15 juillet 2020 au 31 mai 2021
L’acteur Louis de Funès jouit d’une grande popularité depuis ses succès en série dans les années 1960 et 1970. Il est devenu le plus populaire des comiques français, notoriété alimentée depuis sa mort en 1983 par les multiples rediffusions télévisées de ses films. Autrefois moqué et dénigré par certains penseurs du cinéma à cause de ce lien indéfectible avec le grand public familial, il est aujourd’hui célébré pour la première fois par le temple du septième art par une rétrospective de ses films et une exposition. Il s’agit même de la toute première exposition de la Cinémathèque consacrée à un acteur.
Plus qu’un artisan du cinéma, Louis de Funès est devenu le témoin d’une époque et le reflet de l’Histoire de France.
L’exposition s’organise ainsi autour d’une frise chronologique, qui met en perspective les films et rôles du comédien avec les faits culturels ou politiques du pays. 1963 est ainsi l’année de Pouic Pouic (sa première collaboration avec Jean Girault), de la construction des premières tours de La Défense, et de la sortie française de James Bond contre Dr No. En 1970, c’est la sortie de L’Homme orchestre, la fin de règne du général De Gaulle, la retraite du maréchal Cruchot dans Le Gendarme en balade, le premier numéro de Charlie Hebdo, la mort de Bourvil, la création du SMIC, et la création du Mouvement de Libération des Femmes. Cette association est élaborée sans autres commentaires, à nous de la compléter avec notre propre interprétation sur les liens conscients ou inconscients entre des films et des dates historiques. Ceci est jubilatoire. Même la candidature de Coluche aux élections de 1981 trouve un écho à la sortie de La Soupe aux choux la même année.
Le comique de De Funès, même lorsqu’il revisite l’histoire ancienne, se révèle toujours connecté aux préoccupations de son époque, et même parfois en avance sur son temps, à l’instar d’un Chaplin. Il moque la hiérarchie sociale et les farces du pouvoir sous De Gaulle et Pompidou, puis annonce le développement du bio (la charge contre la malbouffe dans L’Aile ou la Cuisse, ou La Soupe aux choux qui prône un retour à la terre). L’exposition le définit comme un « pionnier de l’écologie » en rappelant qu’il avait dans son château un jardin qu’il cultivait sans produits chimiques. Même la cause féministe et la question du genre entrent en résonance avec son cinéma. Son autorité et sa virilité sont sans cesse démontées lorsqu’il se fait recadrer par sa femme (fantaisiste et indépendante financièrement), lorsqu’il laisse apparaître son corps chétif, ou encore lorsque sa soif de la transgression passe par le travestissement.
Si l’exposition propose une lecture du cinéma de De Funès à l’aune de notre présent, De Funès incarne surtout la mémoire des années 1950 et 1960. L’exposition présente de vieux téléviseurs et de vieilles voitures (la DS de Fantômas) pour contribuer à la nostalgie. Les titrailles des chapitres de l’exposition rappellent les titres des journaux d’époque. Son succès fait aussi de lui un des éléments de cette Histoire de France. « Louis de Funès est un Trésor national ».
L’exposition remonte alors le fil de son histoire de comédien, jusqu’à ses origines (le théâtre) et ses inspirations issues des burlesques américains (Chaplin, Keaton, mais dit-il, « ceux que j’aime d’amour, c’est Laurel et Hardy, ce sont les plus grands des plus grands »). « Menteur, roublard, voleur, égoïste, colérique, parano, méprisant… De Funès, c’est nous en pire », affirme un des cartons. Son talent est celui d’un caricaturiste, ce qui l’amène très tôt, dès ses premiers rôles en tant que simple figurant, à dévoiler déjà ses mythiques expressions faciales.
L’exposition devient une leçon de cinéma lorsque les jeux de miroir ne s’arrêtent pas aux ponts entre réalité et fiction, mais s’amusent à mettre en parallèle les films de De Funès avec ses références, en mettant côte à côte L’Aile ou la Cuisse et Les Temps modernes (Chaplin), Le Grand Restaurant et Soupe au canard (Marx Brothers). On finit par oublier la politique des auteurs au profit d’une théorie de l’acteur tellement chaque film semble emporté par la personnalité de De Funès. Même si les cinéastes demeurent en arrière-plan, De Funès étant considéré comme « le véritable auteur de ses films », Gérard Oury est présenté comme le préféré de l’acteur, celui qui l’amène très haut au Box Office (avec La Grande Vadrouille) et dont il jurera après Les Aventures de Rabbi Jacob qu’il ne tournerait plus qu’avec lui.
Cette exposition, essentiellement axée sur les éléments publics, les films, n’écarte pas pour autant la sphère privée, plus discrètement, avec quelques photos de famille, quelques lettres de remerciements, et présente en un unique carton (« Un pensionnaire difficile ») la facette plus controversée de l’acteur, son caractère tyrannique sur les plateaux, et ses relations troubles avec les réalisateurs, « multipliant les ingérences et exigences ». Mais de manière générale, la présentation de De Funès s’avère bienveillante à son égard, louant finalement la dimension populaire, sociétale et universaliste de son art.