Cannes 2019 : Douces voix
Elles auront été à elles seules des mélodies rassurantes, accompagnatrices d’un récit articulé autour de l’idée de souffrance, mais où l’espérance domine. Il y eut, dans l’ordre d’apparition sur les écrans du Festival de Cannes, la voix de Debbie Honeywood dans Sorry, We Missed You de Ken Loach. L’actrice britannique y incarne Abby, une aide soignante à domicile, femme dévouée, dont le sens de l’écoute, les gestes attentionnés et l’altruisme vous serrent le cœur. La douceur constante de sa voix crée un contrepoint formidable à cette violente lutte pour la survie que raconte ce film poignant. Même dans la séquence où elle s’emporte vers la fin du film, sa tessiture reste aimable. Quel magnifique personnage !
Alain Cavalier raconte des histoires quotidiennes à la première personne, à la manière d’un journal intime filmé. Dans Être vivant et le savoir, présenté dans la section Un Certain Regard, il accompagne son récit de sa voix chaleureuse, posée, caressante. Son humilité s’y exprime, sa curiosité et son goût pour l’ordinaire extraordinaire aussi. Son phrasé régulier sait ménager ses silences. Il crée une partition enchantée qui accompagne son récit d’une mort annoncée et d’une éternelle amitié.
Il est un policier qui mène l’enquête, un justicier clairvoyant, respectueux, humain. Dans le très beau Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, Roschdy Zem incarne cet homme droit avec une constance de métronome. Sa voix, chaude, stable, inspire la confiance et invite aux aveux sans rudesse ni rouerie. Elle accompagne son regard franc et bienveillant, qui sait percer le mystère des êtres et les conduire vers la lumière quand l’obscurité menace.
Le festival s’est clos sur une comédie dramatique, fiction très documentée sur le quotidien de deux associations qui forment des jeunes issus des quartiers difficiles à encadrer des autistes sévères. Dans le vibrant Hors normes d’Olivier Nakache et Eric Toledano, Vincent Cassel est Bruno. Rarement aura-t-on vu le comédien dans un rôle aussi attachant – son plus beau à ce jour ? Juif célibataire que tous cherchent en vain à marier, il se dévoue corps et âme pour les patients que son association accueille dans un joyeux chaos. Sa voix, d’une douceur extrême, empathique et enveloppante, traverse ce récit et le nimbe d’une bienveillance touchante. Ou comment clore une riche édition dans un élan humaniste nécessaire par les temps qui courent.