Le Best of des B.O. d’avril

Sélection de 5 B.O. entendues en salles en avril 2019

Dans les films à l’affiche au mois d’avril, des musiques ont attiré l’attention de nos oreilles, que ce soit à travers un western colombien, un thriller espagnol haletant, une animation américaine attachante, une chronique adolescente à Los Angeles ou un drame sociétal français. À chaque fois, pour une raison différente, la partition contribue à faire exister l’œuvre globale.

 

  1. Les Oiseaux de passage de Ciro Guerra & Cristina Gallego (B.O. : Leonardo Heiblum)

Le compositeur mexicain Leonardo Heiblum a composé pour ce western sud-américain une partition de premier plan. On pense parfois aux propositions singulières de Morricone chez Leone lorsque des instruments solistes font exister un personnage, avec une même instrumentation décalée participant au burlesque de certaines situations. La musique joue autant la confrontation (des percussions annonçant les duels d’une guerre de clans), la contemplation (sublimant les paysages du désert colombien) que la dérision (l’humour accompagne la noirceur, avec un grand sens de l’absurde). Elle est à la fois un décor, lorsque des instruments traditionnels (une flûte Sawawa et une guitare Kasha) installent le cadre géographique et culturel, et un spectacle dans l’image (avec cette musique de danse accompagnant un jeu de séduction particulier). La musique n’est pas ici une simple illustration, mais participe à l’action.


  1. El Reino de Rodrigo Sorogoyen (B.O. : Olivier Arson )

Le compositeur français installé en Espagne Olivier Arson retrouve le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen après Que Dios nos perdone (2016). Pour ce thriller paranoïaque construit par blocs de plans-séquences avec une caméra épaule traquant son héros, il a fait le choix d’une partition électronique technoïde instaurant une tension constante et soutenant la frénésie de l’action. La musique devient alors le pouls du film pour une totale immersion. Ces motifs répétitifs sont à la fois enivrants et inquiétants. Le parcours musical est celui du personnage, proposant une plongée suffocante, à l’image de Manuel, un homme qui a tout au début, et qui va, petit à petit, tout perdre. Le compositeur a remporté le Goya de la meilleure musique originale pour cette partition.

 

  1. Monsieur Link de Chris Butler (B.O. : Carter Burwell)

Avec ce film d’animation en stop motion, Carter Burwell (compositeur régulier des frères Coen et de Todd Haynes) a l’occasion de s’amuser, et c’est communicatif. Il peut exprimer sa veine enfantine, dix ans après Max et les maximonstres de Spike Jonze. Pour donner du caractère à la créature, il exploite pleinement les codes du mickeymousing (cette extrême synchronisation qui reproduit les gestes d’un personnage), et propose divers pastiches de films d’aventures (notamment Indiana Jones) pour rendre ce récit à la fois drôle, rocambolesque et exaltant. Avec une grande dextérité, il passe du jazz au lyrisme, des cuivres au piano, tout en reprenant un thème sous diverses facettes pour contribuer à l’unité narrative. Il favorise aussi l’empathie liée à la solitude du monstre, une pointe de mélancolie n’est jamais totalement absente chez le compositeur de Carol.

 


  1. 90’s de Jonah Hill (B.O. : Trent Reznor, Atticus Ross)

L’acteur Jonah Hill réalise son premier film sous la forme d’une chronique d’apprentissage (centrée sur le quotidien d’un jeune garçon de 13 ans), dont l’émotion et la profondeur sont largement soutenues, avec délicatesse, par les notes de piano signées par le duo Trent Reznor et Atticus Ross. Loin de la froideur de The Social Network (2010), auréolé de l’Oscar pour sa musique, le tandem musical pénètre l’âme de l’enfant, retranscrit ses peurs, doutes, angoisses, avec une grande sincérité. On ressent une certaine candeur à travers la douceur des timbres. Cette partition parvient à exister, comme un fil rouge, à travers le regard intime de l’enfant, juxtaposée à des titres de rap qui reflètent son environnement.

 


  1. L’Adieu à la nuit de André Téchiné (B.O. : Alexis Rault)

Une bonne musique de film n’est pas une question de quantité (ou de rareté), mais est liée à la pertinence de son emplacement et au point de vue qu’elle adopte. Face à l’histoire d’une radicalisation religieuse, le compositeur Alexis Rault (qui retrouve le cinéaste après Quand on a 17 ans et Nos années folles) a choisi la parcimonie, et d’épouser l’idéal romantique du couple qui veut s’échapper. Les cordes à la fois célestes et ombrageuses relatent sans jugement condescendant un désir d’ailleurs. La partition est comme un éclairage. Elle oscille ainsi entre l’obstination lumineuse et le gouffre d’un aveuglement.