Lettre à Kristen Stewart
Chère Kristen,
Entre nous, disons-le, vous êtes une sacrée actrice. Mieux que ça. Une actrice qui a du chien, de la trempe. Et du mystère. Oh, bien sûr, votre début de carrière hasardeux, entre vampires et loups-garous, avait fait ricaner. Cette moue de petite fille boudeuse, cette apathie, ce sentiment que vous ne pouviez rien jouer d’autre, que vous n’étiez rien d’autre… Et puis, Welcome to the Rileys et The Runaways avaient fait entrapercevoir le début de quelque chose d’autre. Une énergie. Une sauvagerie cachée sous le marbre de votre visage indifférent. Était-ce possible ?
Olivier Assayas, qui a compris mieux que quiconque cette étrange énergie juvénile, rock et pourtant sage, qui semble être la vôtre, qui sait aussi filmer l’ennui et la mélancolie comme personne (souvenons-nous de Maggie Cheung dans Clean), le confirme. Oui, Kristen, vous êtes une actrice qui inspire. Une actrice dont l’énigme étonne, fascine, agace. Une actrice capable par sa seule présence de multiplier les jeux de miroirs entre la vie et ce Sils Maria, triangle constamment dressé entre une grande actrice sur le retour (Binoche), son assistante (vous) et une jeune aspirante vedette (Grace Moretz), film dont vous êtes assurément l’âme. Car ces discussions qu’a placées Assayas entre vous et Binoche sur la distinction entre une star et une starlette paparazzée, sur celle entre les films, les vrais, et les blockbusters, mieux que de les démultiplier, vous les incarnez. En empêchant bien sûr toute tentative d’identification simpliste d’un seul froncement de vos sourcils en accents circonflexes.
Rien d’étonnant alors à ce que, lorsque vous disparaissez de Sils Maria dans des Alpes de carte postale, le film perde du même coup une part significative de l’étrange aura qui l’habitait jusque là. Chère Kristen Stewart, de grâce, laissez-vous encore regarder comme ça. Par Assayas ou d’autres, choisis. De biais, sans tout donner, en préservant ce qui fait l’essentiel d’une actrice : ses secrets.