Abd al Malik est rappeur, compositeur, et désormais réalisateur. Il est aussi grand lecteur, intellectuel et père de famille. Il plaide de manière quasi militante pour un islam pacifique et intégré dans une République française fraternelle. Petite promenade cinéphilique, en dix étapes, à l’occasion de la sortie de son premier film Qu’Allah bénisse la France (le 10 décembre 2014), adapté de son livre éponyme.
Propos recueillis par Christine Siméone / France Inter. Photos : Bardig Kouyoumdjian / France Inter.
Le Parrain
« Le livre The Godfather Family Album de Steve Shapiro sur Le Parrain est mon livre de chevet, j’en connais tous les contours. Steve Shapiro était le photographe attitré du film pendant le tournage. Coppola a réussi, comme Lucas ou Scorsese, à rendre américaines des communautés ostracisées. Dans Le Parrain, la scène du mariage, au début, passe désormais pour une scène de mariage américain, or c’est un mariage typiquement italien. Aujourd’hui, on regarde la série Les Sopranos comme une série typiquement américaine. On ne se rend plus compte que l’on parle de la communauté italienne. Mon rêve justement, ce serait de faire un film sur telle ou telle communauté pour décrire la France. Qu’Allah bénisse la France est une histoire de France. Les Coppola et autres ont changé la perception de l’autre dans leur propre pays. Ils ont travaillé au vivre ensemble. »
La haine
« Le bruit courait dans la cité qu’on avait fait un film sur nous. On est parti en bande pour aller le voir, on était une vingtaine. On était heureux, car enfin on avait l’impression d’exister. Mathieu Kassovitz est devenu un ami et quand j’ai eu l’idée de faire mon film, je voulais seulement l’écrire. Lui, m’a convaincu que j’étais capable de le réaliser. »
La journée de la jupe
« Film important avec Isabelle Adjani. Les enseignants sont mes héros, je l’ai assez dit. Ce film parle de l’école, de l’éducation, de l’incompréhension liée à la culture. Ce sont mes sujets aussi, on les retrouve dans Qu’Allah bénisse la France. C’est une autre façon de les traiter dans La Journée de la jupe, une autre perspective. »
Les tontons flingueurs
« Ah, voilà le classique des classiques ! On a le droit de ne pas aimer pour autant, mais moi, je vous le dis, j’aime. J’aime en raison du rapport à la langue. On prend le parler du moment, et on le rend classique. Dans mon film, j’ai fait tout un travail sur la langue justement. Je trouve passionnant de mettre à l’écran le bouillonnement de la langue quand c’est vivant. Comme on le fige à l’écran, si c’est réussi, on en fait un classique et on crée la langue de demain. Je trouve cela passionnant. Audiard, j’adore. »
Le dernier tango à Paris
« C’est beau, ça. Pour moi, l’acteur par excellence, c’est Marlon Brando. Incroyable. Ce film, c’est une période, un film et un réalisateur particulier. Il est bouleversant. Brando, d’ailleurs, même dans ses dernières apparitions, est toujours et encore génial. Il y a toujours un moment où je me dis : « Mais c’est fou, cet acteur, c’est fou … ». »
Découvrez plus de contenu pour cet article dans le n°20 de BANDE A PART, magazine de cinéma (décembre 2014).
Suivez Abd al Malik, accompagné par Christine Siméone de France Inter, à l’exposition Truffaut de la Cinémathèque française.