Respire

Au coeur d'une image

Deux jeunes filles, interprétées par Joséphine Japy et Lou de Laâge, tiennent l’affiche de Respire, le deuxième film de Mélanie Laurent, sélectionné en mai dernier à la Semaine de la Critique à Cannes (en salle le 12 novembre 2014). Plongée au coeur d’une image (qui est aussi l’affiche du film), commentée par l’actrice-réalisatrice.


Affiche film - Respire

L’HISTOIRE

« J’aime mettre en scène les histoires que j’ai dans la tête. Raconter des histoires est le prolongement de l’enfance. C’est en tant que metteur en scène que je me sens le plus à ma place dans le cinéma. Être actrice me permet juste de parler le même langage que mes acteurs. J’ai voulu depuis le début réaliser et j’ai fait des courts-métrages. Un producteur m’a fait confiance et mon chemin artistique a commencé. Cette histoire, je l’ai trouvée dans un livre d’Anne-Sophie Brasme que j’avais lu il y a longtemps, l’année du bac, j’avais 17 ans. J’avais trouvé le roman choquant et bouleversant et il ne m’a jamais quitté. »


LE TOURNAGE

« Nous avions peu de temps pour tourner le film. Avant, j’ai beaucoup travaillé avec Lou, qui est très timide et n’a pas une grande confiance en elle dans la vie. Il fallait la rendre venimeuse,sadique, dangereuse. Nous avons travaillé sur des gestes, des mots à ne pas dire, aucune excuse, aucun pardon, aucun merci. Joséphine était évidente dans son rôle. Pour elle, il s’agissait surtout de la protéger sur le tournage, de ne pas l’épuiser, car elle était de chaque plan. »


LES ACTRICES

« Je suis amoureuse de mes actrices, à la fois grande sœur et metteur en scène qui sait où elle veut aller et les y conduit avec de la douceur et de la bienveillance. Elles se sont emparées très vite des personnages et l’affiche a été prise au troisième jour de tournage : elles avaient déjà compris leur rôle et l’avait emmené loin, ailleurs. J’ai écrit le film avec leur photo au-dessus de la tête. J’ai du mal à écrire sans visage. »


LA DIRECTION

« Je dirige avec beaucoup d’amour, car ce sont les acteurs qui font le film. Je dirige avec beaucoup de liberté, d’où une caméra à l’épaule. Se mélangent des plans très précis, que je sais vouloir tourner de telle et telle manière, et de l’improvisation. L’affiche est une scène improvisée. Il faisait froid et il y avait une jolie lumière sur cette petite plage, avec une barque. J’ai dit aux actrices de faire ce qu’elles voulaient. Je ne dis jamais : « Action ! » ou « Coupez ! », je dis : « Quand vous voulez » et à la fin de la scène, je dis :« Merci ».»


LES COSTUMES

« L’une se fond avec la mer à l’arrière-plan, s’y confond, tandis que l’autre est éclatante au premier plan, dans sa petite robe de toutes les couleurs. Les costumes montrent d’emblée deux personnalités différentes. » 


LE DÉCOR

« Le décor de cette affiche est mensonger mais tout part de cette image. C’est un film sur le déséquilibre et elles sont ici en déséquilibre. L’une se sent et se montre plus importante, et par son geste triomphant, de presque victoire, dit sa force et sa position supérieure. Tout le film parle de ça, de la diminution de l’autre, du rétrécissement de la joie, du bonheur, de la confiance en soi face à quelqu’un qui vient prendre à l’autre son monde et son espace et le réduire en cendres. »


LA LUMIÈRE

« Nous avons retravaillé la couleur du ciel, pour obtenir ce mélange : le premier plan très solaire, l’arrière-plan qui s’assombrit. Tout le film est construit comme ça : il va de la lumière vers l’ombre, il part de plans larges pour finir sur des plans très serrés. »


LA SCÈNE

« Cette scène n’est pas dans le film, je ne l’ai pas montée au final, mais elle dit exactement le film : une jeune fille, dans un éclat de rire, qui regarde avec fascination une autre jeune fille, plus haute qu’elle, qui la domine comme si elle se trouvait sur une estrade. Elle est libre, offerte au vent, elle hurle de joie et de bonheur, l’autre est spectatrice de cette personnalité qui prend toute la place. »