Sobre et immense, Depardieu en père aux sentiments de verre, fragile et dur, apprend à aimer son fils incompris, Poelvoorde, enivrant et vacillant.
Qu’y a-t-il après la mort, sinon l’amour ? Après que Michel Houellebecq, arrivé au bout de lui-même, a grimpé à vélo dans la montagne de Cézanne pour faire l’expérience de la mort dans Near Death Experience, le film le plus seul et le plus dépressif de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde découvrent la possibilité du bonheur dans Saint Amour. En liberté, ils tracent sur la carte de la route des vins de France, le territoire rayonnant d’une absolue tendresse.
Dans NDE, Michel Houellebecq répétait : « La vie doit être enivrante » ; elle ne l’était plus. Dans Saint Amour, Depardieu et Poelvoorde, conduits par Vincent Lacoste, taxi parisien juvénile dépaysé en rase campagne viticole, roulent au bord des mêmes gouffres existentiels, mais leur trajectoire les emmène vers la lumière de leur réconciliation. Ils sont agriculteurs, et c’est en parcourant la terre, à travers champs et vignobles, qu’ils apprendront à cultiver ces mots d’amour infertile qu’ils ne savaient pas faire pousser ; les non-dits et l’incommunicabilité seront enterrés en chemin.
Leur route égrènera des rencontres étonnantes ou joyeuses avec des femmes seules : une jeune fille écrasée par les mauvaises nouvelles du monde ; une femme mûre hystérique offrant son corps au premier venu ; une vieille dame ardente à la libido d’une jeunesse ; une jeune femme hors du monde portant en elle un puissant désir maternel.
Depuis leur premier film, Aaltra, lente épopée déraisonnable en fauteuil roulant, drôle et cruelle, Gustave Kervern et Benoît Delépine ont souvent chevauché le road-movie pour faire voyager leur cinéma doux-amer, plein de la merditude des choses ; chacun de leurs films paraît avoir roulé sa bosse à travers la vie cabossée des petites gens, qui va et ne va pas. Saint Amour avance, plus heureux que d’autres, sans gueule de bois, emmené par Gérard Depardieu dans l’un de ses meilleurs rôles depuis Mammuth, une autre réalisation de Kervern-Delépine, seuls cinéastes à magnifier encore avec simplicité le monumental acteur, beau à pleurer sous ses cheveux gris de vieil homme triste et effondré. Avec Benoît Poelvoorde, ivre de mélancolie, il porte cette histoire douce au sentimentalisme grisant, pleine de la soif d’aimer pour rester vivant. Les routes des vins et de la vie se croisent à Saint Amour et foncent droit au cœur.