Après Je me suis fait tout petit, le deuxième long-métrage de Cécilia Rouaud mélange tragédie et comédie pour ce portrait craché d’un grand foutoir familial. On rit, on s’émeut, et les acteurs nous régalent. Elle est pas belle, la vie ?
En 2012, Je me suis fait tout petit, premier long métrage très réussi de Cécilia Rouaud avec Denis Ménochet, Léa Drucker et Vanessa Paradis, dessinait le portrait d’une famille foutraque et dysfonctionnelle. Un homme ne parvenant pas à s’occuper de ses filles adolescentes depuis le départ de sa femme ; sa sœur (bourrée de tocs mais mère de substitution épatante) ayant pris le relai ; l’arrivée concomitante dans sa vie du dernier enfant de son ex et d’une séduisante mère célibataire…
Elle prouvait là un vrai talent de scénariste et de directrice d’acteurs. Dans Photo de famille, elle récidive dans le film choral mi-triste mi-gai avec parents déficients et répliques cinglantes. Ici, les personnages sont encore plus nombreux, les liens encore plus noueux, les situations encore plus farfelues.
Soit deux sœurs et un frères, adultes, qui ne se fréquentent pas beaucoup plus aujourd’hui qu’ils ne l’ont fait adolescents. Leurs parents se sont séparés, ils ont été blackboulés, la fratrie ne se réunissait vraiment qu’en Normandie, à Saint-Julien, pour les vacances chez leurs grands-parents. Il n’y a plus de maison, elle a été vendue depuis longtemps, le grand père vient de mourir, et à l’enterrement où tout le monde se retrouve comme chiens et chats, la grand-mère qui perd la tête exprime le désir de retourner à Saint-Julien… Alors que le père (Jean-Pierre Bacri), sa nouvelle compagne (Émilie Cazenave), et la mère (Chantal Lauby) cherchent un moyen de placer la grand-mère, Elsa (Camille Cottin) perdue dans son désir d’enfant, Gabrielle (Vanessa Paradis) qui voit son ado de fils lui échapper et Mao (Pierre Deladonchamps) suicidaire dans le déni, tentent de se rassembler… Et s’ils gardaient Mamie chacun à tour de rôle ?
Remarquablement écrit, constamment sur le fil entre drôlerie et pathétique, le film avance par volutes, parvient à faire exister chacun individuellement, et rendre palpable amour et souffrance, égoïsme et légèreté. Le casting impeccable, les scènes au tempo bien dosé, et la justesse de ton font de cette Photo de famille un instantané de vie savoureux, où l’on se reconnaît et se retrouve.