Pour son premier long derrière la caméra, le scénariste de The Social Network et Steve Jobs adapte une fois de plus une histoire vraie, mais se focalise sur un personnage féminin. Ça décoiffe.
Molly Bloom sait ce que morfler veut dire. Entraînée de main de fer à la compétition de ski par son paternel (par ailleurs psy), elle a subi deux chutes graves avant de lâcher les bâtons. Lorsqu’elle est arrêtée en pleine nuit par le FBI, la deuxième partie de sa vie, celle de « Princesse du poker », qu’elle a consignée dans une biographie à succès, nous est alors relatée en même temps qu’à son avocat. Aaron Sorkin, brillant scénariste, passe à la réalisation pour la première fois avec un script, comme toujours, très bien ficelé. Il adapte le best-seller Molly’s Game paru aux États-Unis en 2014 (et en janvier 2018 dans sa traduction française, chez nous) et signé de la vraie Molly Bloom (dans lequel un certain nombre de noms célèbres ont été changés). La voix off omniprésente nous enfume comme dans un jeu de poker : on ne comprend pas tout, mais le récit est brillant et vertigineux. L’histoire de l’ex-championne de ski devenue reine du jeu clandestin à Hollywood qui avait pour « clients » de ses tables de poker des vedettes du cinéma et du sport, est pain béni pour un film alerte et malin, qui va à toute vitesse, passe du passé au présent, et expose jusqu’à la nausée le pouvoir de l’argent et de la célébrité, l’escalade insensée suivie de la chute de qui en veut toujours plus. Jessica Chastain est la parfaite incarnation de cette femme intelligente et rapide, qui a certes fait plusieurs mauvais choix, mais s’est fait une place bien à elle dans un monde d’hommes. Bien entourée d’Idris Elba, Michael Cera et Kevin Costner (formidable en père exigeant, que l’on retrouve avec bonheur dans une scène intime d’explication avec sa fille sur un banc de Central Park à New York), elle mène le jeu, la danse, le film. Impressionnant jet de poudre aux yeux certes, mais aussi efficace thriller propulsé par un maelström d’ego, Le Grand Jeu mène le spectateur par le bout du nez, séduit et convainc. On pourrait la croire pure invention si l’histoire n’était vraie.