Directing it's in your bones
Il y a, dans l’œuvre naissante du Toulousain Gioacchino Petronicce, une foi dans le cinéma envisagé comme art de vivre. Une attention portée aux sons du monde, un regard sensible, une grâce dans le geste. Son court-métrage, Directing it’s in your bones (anciennement Whisper), a été produit par Moonwalk Films dans le cadre du festival Young Director Award à Cannes. Gioacchino Petronicce a 28 ans. Il a suivi une formation de réalisateur et d’ingénieur du son. A l’origine de Directing it’s in your bones, une belle idée : un enfant se rêve réalisateur des événements auxquels il assiste…
De manière générale, je suis assez sensible et attentif aux sons présents autour de moi. Il m’arrive souvent d’entrer en jouissance spirituelle grâce aux sons. L’idée est de s’asseoir et de prendre le temps d’écouter. La plupart du temps, j’ai l’impression que nous n’entendons même plus le quart des sons avec lesquelles nous vivons. Du coup, les redécouvrir dans un endroit et à un instant insoupçonné est tout simplement merveilleux. On se sent vraiment au cœur de quelque chose de vrai et de profond. On sent l’espace qui nous entoure et on change de point de vue. Cela a à voir avec la contemplation… Ce qui m’intéresse dans un son, c’est de savoir si je le trouve beau ou non, ou encore de savoir si il me fait ressentir une chose ou non. Pour ce qui est de la voix, c’est un peu plus compliqué, car au-delà de savoir si le son émis est beau ou non, je cherche à savoir si il est juste ou faux. Je crois que la voix me fait peur, car c’est une variable difficile à contrôler. Les voix sont généralement justes quand l’intention de la personne est sincère. C’est l’idée que généralement quand il y a du cœur, il y a aussi de l’émotion.
Le cinéma est pour moi un fantasme, une passion, une distraction, un moyen d’expression, une curiosité, un objectif. Je me questionne à son sujet… Je me dis qu’avoir un fantasme en guise d’objectif peut être très risqué et douloureux. Je me rassure en me disant que le cinéma me passionne et que c’est un fabuleux moyen d’expression. L’expression, j’en recherche et j’en ai besoin. Dans l’absolu, j’aime les images, les sons, l’écriture, tout ce qui aurait la prétention de véhiculer une expérience sensorielle, sensitive ou émotionnelle entre deux personnes.
Certainement par amour et par besoin. Cela s’est fait assez progressivement et naturellement. Au départ, j’étais bien plus admirateur que créateur. Jusqu’au jour où j’ai commencé à jouer avec les sons, afin de créer de petites compositions sonores. Par la suite, j’ai tenté de raconter des histoires uniquement avec des sons et je me suis dit qu’il fallait que j’écrive ces petites histoires sous la forme de nouvelles. En écrivant ces petites nouvelles, j’ai eu beaucoup de projections visuelles. Je me suis mis en quelque sorte à fantasmer mes histoires en images. Je me suis donc naturellement dit qu’il fallait que je fasse de ces nouvelles des courts-métrages. Par la suite, cette simple envie de voir naître mes histoires en images s’est transformée en excitation à l’idée de partager une « vision » personnelle (ou un « fantasme ») avec quelqu’un d’autre.
J’en suis très loin ! Cependant cela aurait été une excellente chose que de le faire… Je photographie, en revanche, des choses ou des gens dans la rue presque chaque jour. C’est ma manière de travailler les cadres pour ensuite les mettre en œuvre dans des films. C’est une méthode que je trouve plus rentable en terme de temps que de filmer.
De la manière la plus instinctive possible. Lorsque j’arrive à ressentir la matière que je travaille, alors le tout devient à mes yeux logique et facile. Cependant, ces moments sont rares. Quand l’osmose entre « création » et « créateur » est absente, je fais confiance au son pour créer une pulsation. Ainsi, le son prend le pas sur l’image. C’est une question de rythme. Un montage image peut paraître visuellement très bien rythmé, mais quand vient le montage son, il arrive parfois qu’il demande une autre écriture rythmique que celle impulsée par le montage image. Voulant pousser cette idée jusqu’au bout, je me suis plongé il y a quelques mois dans l’écriture d’un long-métrage. Le défi de ce projet est d’écrire le film par ses sons et dans son intégralité. J’ai pour l’instant créé les 50 premières minutes de cette manière. Par la suite, j’illustrerai ce « film sonore » avec des images qui n’ont pas encore été tournées. Je n’ai pas de manière établie pour travailler. J’essaie, dans la mesure du possible, de faire évoluer mes méthodes de travail à chaque nouveau projet. Il m’est arrivé de créer une structure de montage image théorique dans laquelle il y avait des repères visuels rythmiques, mais pas d’images. Cela a été le cas par exemple pour Game Over réalisé pour Pix’n love Editions. Il m’est aussi arrivé de travailler comme je le ferais pour travailler un clip. Cela fut le cas pour I Need One Dollar. J’ai monté la vidéo sur un morceau du Requiem de Mozart. Arrivé à la fin du montage, j’ai enlevé la musique, puis j’ai réajusté légèrement le montage en fonction du mixage.
C’est un bureau en angle. Tout est très confiné. Beaucoup de feuilles volantes. Lumière douce et tamisée. Tout est optimisé autour de mon écran d’ordinateur. Mon bureau d’angle se trouve dans une petite pièce, mais chaleureusement surplombée par des poutres en bois. C’est un vrai cocon dans lequel je me sens protégé, seul, libre… Je n’ai pas de mur d’inspiration, et l’idée d’en posséder un ne m’était pas encore venue en tête. Cela pourrait être une bonne idée d’en créer un.
C’est difficile pour moi de dévoiler certains des titres de ma playlist de cœur. Pour des raisons à la fois personnelles et professionnelles. Voici 5 musiques qui me suivent régulièrement quand je travaille :
• Jaga Jazzist – Swedenborgske Rom
• Bon Iver – The Wolves (Act I and III)
• Pink Floyd – Echoes
• Radiohead – Nude
• Supertramp – Crime of the Century